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À partir de la légende dorée de saint Pierre



Dernière mise à jour
le 30/11/2023

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Saint Pierre
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À partir de la légende dorée
Pierre eut trois noms :
  • Simon Barjona : Simon veut dire obéissant, ou se livrant à la tristesse ; Barjona, fils de colombe. En syrien, bar veut dire fils, et en hébreu Jona signifie colombe. En effet, il fut obéissant. Quand Jésus Christ l’appela, il obéit aussitôt. La tristesse l’envahit après avoir renié Jésus Christ « Il sortit et, dehors, pleura amèrement. » (Matthieu XXVI, 75) Il fut fils de colombe parce qu’il servit Dieu avec simplicité.
  • Céphas qui signifie chef ou pierre, ou blâmant de bouche :
    • chef, car il eut 1a primauté dans la prélature,
    • pierre, à cause de la fermeté dont il fit preuve dans sa passion
    • blâmant de bouche, à cause de la constance de sa prédication.
  • Pierre qui veut dire connaissant, déchaussant, déliant :
    • parce qu’il connut la divinité de Jésus Christ quand il dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » (Matthieu XVI, 16)
    • il se dépouilla de toute affection pour les siens comme de toute œuvre morte et terrestre, lorsqu’il dit : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre » (Matthieu XIX, 27)
    • il nous délia des chaînes du péché par les clefs qu’il reçut du Seigneur.
Il eut aussi trois surnoms :
  • Simon Johanna, qui veut dire beauté du Seigneur
  • Simon, fils de Jean, qui veut dire à qui il a été donné
  • Simon Barjona, qui veut dire fils de colombe
Par ces différents surnoms, on doit entendre qu’il posséda la beauté de mœurs, les dons des vertus, l’abondance des larmes, car la colombe gémit au lieu de chanter. Quant au nom de Pierre, ce fut Jésus Christ qui le lui donna :
  • Il a dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » (Jean I, 42), ce qui veut dire Pierre.
  • IL a dit également : « Et moi, je te le déclare : tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » (Matthieu XVI, 18)
  • Il est aussi écrit : « Donc, il établit les Douze : Pierre, c’est le nom qu’il donna à Simon. » (Marc III, 16)

Son martyre fut écrit par saint Marcel, par le pape saint Lin, par Hégésippe et par le pape Léon.

Pierre fut celui des apôtres qui eut la plus grande ferveur. Il voulut savoir qui trahissait le Seigneur. Saint Augustin dit que s’il l’avait connu, il l’aurait déchiré avec les dents. C’est pour cette raison que le Seigneur ne voulait pas révéler le nom du traître.

Saint Chrysostome dit aussi que si Jésus Christ avait prononcé son nom, Pierre se serait levé aussitôt et l’aurait massacré.

11 marcha sur la mer pour aller au-devant du Seigneur. Il fut choisi pour être témoin de la transfiguration de son maître et pour assister à la résurrection de la fille de Jaïre. Il trouva, dans la bouche du poisson, la pièce d’argent de quatre drachmes pour le tribut : Jésus reprit : « … Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi. » (Matthieu XVII, 27) Il reçut du Seigneur les clefs du royaume des cieux. Il eut la mission de faire paître les brebis. Au jour de la Pentecôte, il convertit trois mille hommes par sa prédication. Il prédit la mort d’Ananie et de Saphire. Il guérit Enée de sa paralysie. Il baptisa Corneille. Il ressuscita Tabithe. Il rendit la santé aux infirmes par l’ombre de son corps. Mis en prison par Hérode, il fut délivré par un ange.

Dans le livre de Saint Clément, il est rapporté les paroles de Pierre concernant sa nourriture et son vêtement : « Je ne me nourris que de pain avec des olives et rarement avec des légumes ; quant à mon vêtement, vous le voyez, c’est une tunique et un manteau, et avec cela je ne demande pas autre chose. »

On rapporte aussi qu’il portait toujours un suaire pour essuyer les larmes qu’il versait fréquemment. Quand la douce allocution du Seigneur et la présence de Dieu lui venaient à la mémoire, il ne pouvait retenir ses pleurs, tant était grande la tendresse de son amour. Quand il se rappelait la faute qu’il commit en reniant Jésus Christ, il répandait des torrents de larmes. Il avait tellement l’habitude de pleurer que sa figure paraissait toute brûlée selon l’expression de saint Clément. Le même saint rapporte qu’en entendant le chant du coq, Pierre avait coutume de se lever pour faire oraison et de pleurer.

Saint Clément dit encore dans l’Histoire ecclésiastique que lorsqu’on menait au martyre la femme de Pierre, celui-ci tressaillit d’une extraordinaire joie, et l’appelant par son propre nom, il lui cria : « Ô ma femme, souvenez-vous du Seigneur. » Une fois, Pierre avait envoyé deux de ses disciples prêcher ; après avoir cheminé pendant vingt jours, l’un d’eux mourut. L’autre revint trouver Pierre, et lui raconter l’accident qui était arrivé (on dit que ce fut saint Martial, ou selon quelques autres, saint Materné. On lit ailleurs que le premier fut saint Front, et que son compagnon, celui qui était mort, c’est-à-dire le second, fut le prêtre Georges). Alors Pierre lui donna son bâton avec ordre d’aller retrouver son compagnon et de poser ce bâton sur le cadavre. Et, dès qu’il l’eût fait, le mort, qui gisait déjà depuis quarante jours, revint aussitôt à la vie.

Le magicien

En ce temps-là, à Jérusalem, il y avait un magicien, nommé Simon, qui prétendait avoir le plus grand pouvoir que ceux qui croyaient en lui devenaient immortels, et que rien ne lui était impossible. Saint Clément écrit dans son livre qu’il disait : « Je serai publiquement adoré comme un dieu, je jouirai des honneurs divins, et tout ce que je voudrai, je le ferai. Un jour que Rachel, ma mère, m’ordonnait d’aller dans les champs pour faire la moisson, je vis une faux par terre à laquelle je commandai de faucher d’elle-même. Elle faucha dix fois plus de surface que les autres moissonneurs. ». Il ajouta, d’après saint Jérôme : « Je suis la parole de Dieu ; je suis beau, je suis le Saint-Esprit, je suis tout-puissant, je suis l’âme de Dieu. »

Il faisait se mouvoir des serpents d’airain, rire des statues de bronze ou de pierre et chanter des chiens. Simon donc, comme le dit saint Lin, voulait discuter avec Pierre et montrer qu’il était Dieu. Pierre vint le jour indiqué au lieu convenu et dit aux assistants : « La paix soit avec vous, mes frères, qui aimez la vérité. »
Simon lui dit : « Nous n’avons pas besoin de ta paix, car s’il faut la paix et la concorde pour arriver à la connaissance de la vérité, nous ne pourrons pas trouver la vérité. Ce sont les larrons qui ont la paix entre eux. N’invoque donc pas la paix, mais la lutte : entre deux champions, il y aura paix quand l’un aura été supérieur à l’autre. »
Pierre répondit : « Qu’as-tu à craindre d’entendre parler de paix ? C’est du péché que naît la guerre et là où n’existe pas le péché, règne la paix. On trouve la vérité dans les discussions et la justice dans les œuvres. »
Simon reprit : « Ce que tu avances n’a pas de valeur, mais je te montrerai la puissance de ma divinité pour que tu m’adores aussitôt. Je suis la première vertu et je puis voler dans les airs, créer de nouveaux arbres, changer les pierres en pain, rester dans le feu sans en être endommagé. Tout ce que je veux, je peux le faire. »

Pierre discutait avec lui et découvrait tous ses maléfices. Voyant qu’il ne pouvait résister à l’apôtre, Simon jeta dans la mer tous ses livres de magie, de crainte d’être dénoncé comme magicien. Il alla à Rome pour s’y faire passer pour Dieu. Dès que Pierre eut découvert cela, il le suivit.

Pierre à Rome

La quatrième année de l’empire de Claude, Pierre arriva à Rome, où il resta vingt-cinq ans. Il ordonna évêque Lin et Clet qui furent ses coadjuteurs, l’un, comme le rapporte Jean Beleth, dans l’intérieur de la ville, l’autre dans la partie qui était hors des murs.

En se livrant à la prédication, il convertit beaucoup de païens à la foi. Il guérissait la plupart des infirmes. Comme dans ses discours il louait et recommandait toujours de préférence la chasteté, il convertit les quatre concubines d’Agrippa qui refusèrent de retourner auprès de ce gouverneur. Celui-ci, furieux, cherchait l’occasion de nuire à l’Apôtre.

Le Seigneur apparut à Pierre et lui dit : « Simon et Néron forment des projets contre ta personne ; mais ne crains rien, car je suis avec toi pour te délivrer et je te donnerai la consolation d’avoir auprès de toi mon serviteur Paul qui dès demain entrera dans Rome. » Pierre, comme le raconte Lin, devinant que la fin de son pontificat approchait, se rendit à l’assemblée des fidèles. Il prit par la main Clément, l’ordonna évêque, et le fit asseoir dans sa chaire. Le lendemain, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé, Paul arriva à Rome et, en compagnie de Pierre, commença à y prêcher. Après cela, Paul arriva à Rome, ainsi que le Seigneur l’avait prédit, et commença à prêcher Jésus Christ avec Pierre.

Néron était très attaché à Simon. Il voyait en lui son appui et le gardien de toute la ville. Le pape Léon raconte qu’un jour où Simon était près de Néron, sa figure changea subitement d’aspect. Il avait l’air tantôt d’un vieillard, tantôt d’un jeune homme. Voyant cela, Néron croyait qu’il était le fils de Dieu.

C’est pourquoi Simon le magicien dit à Néron, selon saint Léon : « Afin que tu saches, illustre empereur, que je suis le fils de Dieu, fais-moi décapiter et trois jours après je ressusciterai. »

Néron ordonna donc au bourreau qu’il eût à décapiter Simon. Le bourreau, en croyant couper la tête à Simon, coupa celle d’un bélier. Grâce à la magie, Simon n’eut aucun mal. Il ramassa les membres du bélier, les cacha, puis se cacha pendant trois jours. Le sang du bélier resta coagulé sur place. Le troisième jour, Simon se montra à Néron et lui dit « Fais essuyer mon sang qui a été répandu, car me voici ressuscité trois jours après que j’ai été décollé, comme je l’avais promis. » En le voyant, Néron fut stupéfait et le considéra comme le vrai fils de Dieu.

Quelquefois, lorsqu’il était dans le cabinet de l’empereur, un démon qui était revêtu de sa figure haranguait le peuple au-dehors. Les Romains eurent pour lui une telle vénération qu’ils lui érigèrent une statue, et qu’ils mirent cette inscription : Simoni Deo sancto, À Simon le Dieu saint.

Saint Léon rapporte que Pierre et Paul allèrent chez Néron et dénoncèrent tous les sortilèges de Simon. Pierre ajouta : « De même qu’il y a deux natures en Jésus-Christ, celle de Dieu et celle de l’homme, de même, il y a deux natures en Simon, celle de l’homme et celle du diable. » D’après le récit de Marcel et de saint Léon, Simon dit : « Je ne souffrirai pas plus longtemps cet ennemi ; je commanderai à mes anges de me venger de cet homme. »
Pierre lui répondit : « Tes anges, je ne les crains point, mais ce sont eux qui me craignent. »
Néron ajouta : « Tu ne crains pas Simon qui prouve sa divinité par ses œuvres ? »
Pierre lui répondit : « Si la divinité existe en lui, qu’il nous dise en ce moment ce que je pense ou ce que je fais. Je vais d’avance te dire tout bas à l’oreille quelle est ma pensée pour qu’il n’ait pas l’audace de mentir. »
Néron reprit : « Approche-toi, et dis-moi ce que tu penses. »
Pierre s’approcha et dit à Néron tout bas : « Ordonne qu’on m’apporte un pain d’orge et qu’on me le donne en cachette. »
Quand on le lui eut apporté, Pierre le bénit et le mit dans sa manche et dit : « Que Simon, qui s’est fait Dieu, dise ce que j’ai pensé, ce que j’ai dit, ou ce qui s’est fait. »
Simon répondit : « Que Pierre dise plutôt ce que j’ai pensé moi-même. »
Et Pierre dit : « Ce que Simon pense, je montrerai que je le sais, et ce qu’il a pensé, je le ferai. »
En colère, Simon s’écria : « Qu’il vienne de grands chiens et qu’ils te dévorent. »

Aussitôt, des chiens énormes apparurent et se jetèrent sur Pierre. Celui-ci leur présenta le pain bénit. Aussitôt, les chiens s’enfuirent. Alors Pierre dit à Néron : « Tu le vois, je t’ai montré que je savais ce que Simon méditait contre moi et ce ne fut point par des paroles, mais par des actes. Celui qui avait promis qu’il viendrait des anges contre moi, a fait venir des chiens pour montrer que les anges de Dieu ne sont autres que des chiens. »
Simon dit alors : « Écoutez, Pierre et Paul ; si je ne peux rien vous faire ici, nous irons où il faut que je vous juge. Pour le moment, je veux bien vous épargner. »

Alors, selon ce que rapportent Hégésippe et saint Lin, Simon, enflé d’orgueil, osa se vanter de pouvoir ressusciter des morts. Il arriva qu’un jeune homme mourût. On fit venir Pierre et Simon. Il fut décrété que celui qui ne ressusciterait pas le mort serait lui-même puni de la peine capitale.

Pendant que Simon faisait des enchantements sur le cadavre, il sembla aux assistants que la tête du défunt s’agitait. Alors, les assistants, poussant des cris, voulaient lapider Pierre. L’apôtre, ayant réclamé un moment de silence, dit : « Si le mort est vivant, qu’il se lève, qu’il se promène et qu’il parle. Autrement, sachez que l’action d’agiter la tête du cadavre est de la fantasmagorie. Qu’on éloigne Simon du lit pour que les ruses du diable soient entièrement mises à nu. » On éloigna donc Simon du lit et le mort resta immobile.

Alors Pierre, se tenant éloigné, fit une prière, puis il s’écria : « Jeune homme, au nom de Jésus de Nazareth qui a été crucifié, lève-toi et marche. ». Aussitôt, il se leva et il marcha.

Comme le peuple voulait lapider Simon, Pierre dit : « Il est bien assez puni de se reconnaître vaincu dans ses artifices. Notre maître nous a enseigné qu’il fallait rendre le bien pour le mal. »
Alors Simon dit : « Sachez, vous, Pierre et Paul, que vous n’obtiendrez rien de ce que vous désirez, car je ne daignerai pas vous faire gagner la couronne du martyre. » Pierre reprit : « Qu’il nous arrive ce que nous désirons, mais à toi il ne peut arriver rien de bon, car chacune de tes paroles est un mensonge ! »
Saint Marcel dit qu’alors Simon alla à la maison de son disciple Marcel, et qu’il attacha à la porte un chien énorme en disant : « Je verrai à présent si Pierre, qui vient d’ordinaire chez toi, pourra entrer. »
Peu de temps après Pierre arriva et en faisant le signe de la croix, il délia le chien. Ce chien se mit à caresser tout le monde, et ne poursuivait que Simon. Il le saisit, et le renversa par terre. Il voulait l’étrangler quand Pierre accourut et cria au chien de ne pas lui faire de mal. Or, cette bête, sans toucher son corps, lui arracha tellement ses habits qu’elle le laissa à la terre. Alors le peuple et surtout les enfants coururent après le chien en poursuivant Simon jusqu’à ce qu’ils l’eussent chassé bien loin de la ville, comme ils eussent fait d’un loup. Simon ne pouvant supporter la honte de cet affront resta un an sans reparaître. Marcel, en voyant ces miracles, devint disciple de Pierre. Par la suite, Simon revint et rentra de nouveau dans les bonnes grâces de Néron. D’après saint Léon, Simon convoqua le peuple, et déclara qu’il avait été outrageusement traité par les Galiléens. À cause de cela, il dit vouloir quitter la Ville qu’il avait coutume de protéger, ajoutant qu’il allait monter au ciel un jour défini, puisque la terre n’était plus digne de le porter. Au jour fixé, il monta sur une haute tour, ou d’après saint Lin, il monta au Capitole et couvert de laurier, il se jeta en l’air et se mit à voler. Paul dit à Pierre : « C’est à moi de prier et à vous de commander. »
Néron dit alors : « Cet homme est sincère, et vous n’êtes que des séducteurs. »
Pierre dit à Paul : « Paul, levez la tête et voyez. »
Quand Paul eut levé la tête et qu’il eut vu Simon dans les airs, il dit à Pierre : « Pierre, pourquoi tardez-vous ? Achevez ce que vous avez commencé. Déjà, le Seigneur nous appelle. »
Alors Pierre dit « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous commande, anges de Satan, vous qui portez Simon dans les airs, de ne pas le porter davantage et de le laisser tomber. »
Aussitôt, Simon tomba et, s’étant fracassé la tête, il expira.

Apprenant cela, Néron fut très fâché de la perte d’un tel homme. Il dit aux apôtres : « Vous vous êtes rendus suspects envers moi ; aussi vous punirai-je d’une manière exemplaire. » Il les remit donc entre les mains d’un personnage illustre, appelé Paulin qui les fit enfermer dans la prison Mamertine sous la garde de Processus et de Martinien, soldats que Pierre convertit à la foi. Ils ouvrirent la prison et remirent les apôtres en liberté. C’est pour cela qu’après le martyre des apôtres, Paulin convoqua Processus et Martinien. Quand il eut découvert qu’ils étaient chrétiens, ils eurent la tête tranchée sur ordre de Néron. Pierre, cédant enfin aux supplications de ses frères, résolut de s’éloigner de Rome. Saint Léon et saint Lin assurent qu’arrivé à la porte où est aujourd’hui Sainte-Marie ad passus, Pierre vit Jésus Christ venant à sa rencontre. Il lui dit : « Seigneur, où allez-vous ? »
Jésus Christ répondit : « Je viens à Rome pour y être crucifié à nouveau. »
Pierre répartit : « Vous seriez crucifié encore une fois. »
« Oui » lui répondit le Seigneur.
Alors Pierre lui dit : « Seigneur, je retournerai donc pour être crucifié avec vous. »

Après ces paroles, le Seigneur monta au ciel sous le regard de Pierre qui pleurait. Il comprit que c’était de son martyre à lui-même que Jésus avait voulu parler. Il revint et raconta aux frères ce qui venait d’arriver. Alors il fut pris par les officiers de Néron et mené au préfet Agrippa. Saint Lin dit que sa figure devint comme un soleil. Agrippa lui dit : « Es-tu donc celui qui se glorifie dans les assemblées où ne se trouvent que la populace et de pauvres femmes que tu éloignes du lit de leurs maris ? »


L’apôtre le reprit en disant qu’il ne se glorifiait que dans la croix du Seigneur. Pierre, en qualité d’étranger, fut condamné à être crucifié, mais Paul, en sa qualité de citoyen romain, fut condamné à avoir la tête tranchée.

À l’occasion de cette sentence, Denys en son épître à Timothée parle ainsi de la mort de Paul : « Ô, mon frère Timothée, si tu avais assisté aux derniers moments de ces martyrs, tu aurais défailli de tristesse et de douleur. Qui est-ce qui n’aurait pas pleuré quand fut rendue la sentence qui condamnait Pierre à être crucifié et Paul à être décapité ? Tu aurais alors vu la foule des gentils et des Juifs les frapper et leur cracher au visage. »

Arrivé au moment de leur martyre, on les sépara l’un de l’autre et on lia ces colonnes du monde malgré les gémissements et les sanglots des frères. Alors Paul dit à Pierre : « La paix soit avec vous, fondement des églises, pasteur des brebis et des agneaux de Jésus Christ »
Pierre dit à Paul : « Allez en paix, prédicateur des bonnes mœurs, médiateur et guide du salut des justes. »

Quand on les eut éloignés l’un de l’autre, Denys suivit mon maître Paule, car on ne les tua pas dans le même quartier (saint Denys). Saint Léon et Marcel rapportent que quand Pierre fut arrivé à la croix, il dit : « Puisque mon maître est descendu du ciel en terre, il fut élevé debout sur la croix. Pour moi qu’il daigne appeler de la terre au ciel, ma croix doit montrer ma tête sur la terre et diriger mes pieds vers le ciel. Donc, parce que je ne suis pas digne d’être sur la croix de la même manière que mon Seigneur, retournez ma croix et crucifiez-moi la tête en bas. »

Alors on retourna la croix et on l’attacha les pieds en haut et les mains en bas. Le peuple furieux voulut tuer Néron et le gouverneur et délivrer l’apôtre qui les priait de ne pas empêcher qu’on le martyrise. Comme le disent Hégésippe et Lin, le Seigneur leur ouvrit les yeux. Comme ils pleuraient, ils virent des anges avec des couronnes composées de fleurs de roses et de lys et Pierre au milieu d’eux sur la croix recevant un livre que lui présentait Jésus Christ dans lequel il lisait les paroles qu’il proférait.

Selon le témoignage du même Hégésippe, alors qu’il était sur la croix, Pierre dit : « C’est vous, Seigneur, que j’ai souhaité imiter, mais je n’ai pas eu la présomption d’être crucifié droit. C’est vous qui êtes toujours droit, élevé et haut. Nous sommes les enfants du premier homme qui a enfoncé sa tête dans la terre et dont la chute indique la manière avec laquelle l’homme vient au monde. Nous naissons en effet de telle sorte que nous paraissons être répandus sur la terre. Notre condition a été renversée et ce que le monde croit être à droite est certainement à gauche. Vous, Seigneur, vous me tenez lieu de tout. Tout ce que vous êtes, vous l’êtes pour moi et il n’y a rien d’autre que vous seul. Je vous rends grâce de toute mon âme par laquelle je vis, par laquelle j’ai l’intelligence et par laquelle je parle. »

On connaît par là deux autres motifs pour lesquels il ne voulut pas être crucifié normalement. Pierre, voyant que les fidèles avaient été témoins de sa gloire, rendit grâces à Dieu, lui recommanda les chrétiens et rendit l’esprit. Alors Marcel et Apulée qui étaient frères et disciples de Pierre, le descendirent de la croix et l’ensevelirent en l’embaumant avec divers aromates.

Isidore dans son livre de la Naissance et de la Mort des Saints s’exprime ainsi :

« Pierre, après avoir fondé l’église d’Antioche, vint à Rome sous l’empereur Claude pour confondre Simon. Il prêcha l’Évangile pendant vingt-cinq ans dans cette ville dont il occupa le siège pontifical.

La trente-sixième année après la passion du Seigneur, il fut crucifié par Néron la tête en bas comme il l’avait voulu. » Le jour de leur martyre, Pierre et Paul apparurent à Denys, comme il le rapporte en ces termes dans la lettre citée plus haut : « Écoute le miracle, Timothée, mon frère, vois le prodige, arrivé au jour de leur supplice, car j’étais présent au moment de leur séparation. Après leur mort, je les ai vus se tenant par la main l’un et l’autre, entrer par les portes de la ville, revêtus d’habits de lumière, ornés de couronnes de clarté et de splendeur. »

Après la mort de Pierre et de Paul

Néron ne demeura pas impuni pour ce crime et pour bien d’autres encore qu’il commit : il se tua de sa propre main.

Voici en peu de mots quelques-uns de ses forfaits.

On lit dans une histoire apocryphe que Sénèque, son précepteur, espérait recevoir de lui une récompense digne de son labeur. Néron lui donna à choisir la branche de l’arbre sur laquelle il préférait être pendu en lui disant que c’était là la récompense qu’il en devait recevoir. Comme Sénèque lui demandait à quel titre il avait mérité ce genre de supplice, Néron fit vibrer plusieurs fois la pointe d’une épée au-dessus de Sénèque qui baissait la tête pour échapper aux coups dont il était menacé. IL voyait avec effroi le moment où il allait être tué.
Néron lui dit : « Maître, pourquoi baisses-tu la tête sous l’épée dont je te menace ? »
Sénèque lui répondit : « Je suis homme et voilà pourquoi je redoute la mort, d’autant plus que je meurs malgré moi. »
Néron lui dit : « Je te crains encore comme je le faisais alors que j’étais enfant : c’est pourquoi tant que tu vivras je ne pourrai vivre tranquille. »
Sénèque lui dit « S’il est nécessaire que je meure, accordez-moi au moins de choisir le genre de mort que j’aurais voulu. »
Néron répondit : « Choisis vite et ne tarde pas à mourir. »

Alors Sénèque fit préparer un bain où il se fit ouvrir les veines de chaque bras. Il finit ainsi sa vie vidé de son sang. Son nom de Sénèque fut pour lui comme un présage : se necans signifie qui se tue soi-même. Ce fut lui qui en quelque sorte se donna la mort, bien qu’il y eût été forcé.

On lit que ce même Sénèque eut deux frères : le premier fut Julien Gallio, orateur illustre qui se tua de sa propre main ; le second fut Méla, père du poète Lucain. Lucain mourut après avoir eu les veines ouvertes par l’ordre de Néron, d’après ce qui est écrit.

La même histoire apocryphe rapporte que Néron, poussé par un transport infâme ; fit tuer sa mère et la fit partager en deux pour voir comment il avait habité dans son sein. Les médecins lui adressaient des remontrances par rapport au meurtre de sa mère et lui disaient : « Les lois s’opposent et l’équité défend qu’un fils tue sa mère. Elle l’a enfanté avec douleur et elle t’a élevé avec tant de labeur et de sollicitude. »
Néron leur dit : « Faites-moi concevoir un enfant et accoucher ensuite pour que je puisse savoir quelle a été la douleur de ma mère. »
Cette volonté d’accoucher lui était venue parce qu’en passant dans la ville, il avait entendu les cris d’une femme en couches.
Les médecins lui répondirent « Cela n’est pas possible ; c’est contre les lois de la nature ; il n’y a pas moyen de faire ce qui n’est pas d’accord avec la raison. »
Néron leur dit donc : « Si vous ne me faites pas concevoir et enfanter, je vous ferai mourir tous d’une manière cruelle. »

Alors les médecins, dans des potions qu’ils lui administrèrent, lui firent avaler une grenouille sans qu’il s’en aperçût. Par artifice, ils la firent croître dans son ventre. Bientôt, son ventre, qui ne pouvait souffrir cet état contre nature, se gonfla, de sorte que Néron crut qu’il concevait un enfant. Les médecins lui faisaient observer un régime qu’ils savaient être propre à nourrir la grenouille, sous prétexte que c’était nécessaire pour l’enfant. Enfin tourmenté par une douleur intolérable, il dit aux médecins : « Hâtez le moment des couches, car c’est à peine si la langueur où me met l’accouchement futur me donne le pouvoir de respirer. »
Alors ils lui firent prendre une potion pour le faire vomir. Il rendit une grenouille affreuse à voir, imprégnée d’humeurs et couverte de sang. Néron, regardant son fruit, en eut horreur lui-même. Il admira une pareille monstruosité. Les médecins lui dirent qu’il n’avait produit un fœtus aussi difforme que parce qu’il n’avait pas voulu attendre le temps nécessaire.

Il dit : « Ai-je été comme cela en sortant des flancs de ma mère ? »
Ils répondirent « Oui. »

Il recommanda donc de nourrir son fœtus et de l’enfermer dans une pièce voûtée pour l’y soigner. Ces choses-là ne se lisent pas dans les chroniques, car elles sont apocryphes.

Ensuite, s’étant émerveillé de la grandeur de l’incendie de Troie, il fit brûler Rome pendant sept jours et sept nuits, spectacle qu’il regardait d’une tour très élevée. Tout joyeux devant la beauté de cette flamme, il chantait avec emphase les vers de l’Iliade. On voit encore dans les chroniques qu’il pêchait avec des filets d’or, qu’il s’adonnait à l’étude de la musique de manière à l’emporter sur les harpistes et les comédiens. Il se maria avec un homme, et cet homme le prit pour femme, ainsi que le dit Orose. Ne pouvant plus supporter davantage sa folie, les Romains se soulevèrent contre lui et le chassèrent hors de la Ville. Lorsqu’il vit qu’il nie pouvait échapper, il appointa un bâton avec les dents. Il se l’enfonça dans le milieu du ventre et termina sa vie.

On lit cependant ailleurs qu’il fut dévoré par les loups. À leur retour, les Romains trouvèrent la grenouille cachée sous la voûte. Ils la poussèrent hors de la Ville et la brûlèrent. Selon quelques personnes, cette partie de la Ville où avait été cachée la grenouille reçut le nom de Latran qui signifie grenouille cachée (latens rana).

Le vol des restes de Pierre et de Paul

Au temps du pape saint Corneille, des Grecs pieux volèrent les corps des apôtres, qu’ils voulaient emporter dans leur pays ; mais les démons habitant les idoles furent contraints, par la force divine, de crier : « Au secours, Romains, car on emporte vos dieux ! » Suite à quoi, toute la ville se mit à la poursuite des voleurs, car les fidèles comprenaient qu’il était question des apôtres, et les païens croyaient qu’il était question de leurs idoles. Épouvantés, les Grecs jetèrent les corps des apôtres dans un puits voisin des catacombes, d’où les fidèles parvinrent plus tard à les retirer.

Saint Grégoire raconte dans son Registre (liv. IV, ép. XXX,) qu’il y eut un si terrible coup de tonnerre et une telle quantité d’éclairs que tout le monde prit la fuite effrayé, et laissa tout dans les catacombes. Comme on ne savait pas distinguer les ossements de Pierre de ceux de Paul, les fidèles, après avoir eu recours aux prières et aux jeûnes, reçurent cette réponse du ciel : « Les os les plus grands sont ceux du prédicateur, les plus petits ceux du pêcheur. » Ils séparèrent ainsi les os les uns des autres et les placèrent dans les églises qui avaient été élevées en l’honneur de chacun d’eux.

D’autres disent cependant que saint Silvestre, pape, voulant consacrer les églises, pesa avec respect les os grands et petits dans une balance et qu’il en mit la moitié dans une église et la moitié dans l’autre. Saint Grégoire rapporte dans son Dialogue, qu’il y avait, dans l’église où le corps de Saint Pierre repose, un saint homme d’une grande humilité, nommé Agontius et une jeune fille paralytique qui y habitait ; mais réduite à ramper sur les mains. Elle était obligée de se traîner, les reins et les pieds par terre. Depuis longtemps, elle demandait la santé à Saint Pierre. Il lui apparut dans une vision et lui dit : « Va trouver Agontius et il te rendra la santé. » Elle se traîna donc çà et là de tous côtés dans l’église pour chercher qui était cet Agontius. L’ayant subitement rencontré, elle lui dit :
« Notre pasteur et nourricier, le bienheureux Pierre, apôtre, m’a envoyé vers vous, pour que vous me délivriez de mon infirmité. »
Il lui répondit : « Si tu as été envoyée par lui, lève-toi. » Et lui prenant la main, il la fit lever. Elle fut guérie sans qu’il lui restât la moindre trace de sa maladie.

Dans le même livre, saint Grégoire dit encore que Galla, jeune personne très distinguée de Rome, fille du consul et patrice Symmaque, fut veuve après un an de mariage. Son âge et sa fortune demandaient qu’elle se mariât en secondes noces. Elle préféra s’unir à Dieu par une alliance spirituelle dont les commencements se passent dans la tristesse, mais par laquelle on parvient au ciel, plutôt que de se soumettre à des noces charnelles qui commencent toujours par la joie pour finir dans la tristesse. Comme son corps était dévoré d’un feu intérieur, les médecins dirent que, si elle se refusait toujours aux caresses des hommes, la chaleur qui était en elle lui ferait pousser une barbe sur le visage. Et c’est, en effet, ce qui lui arriva. Mais Galla ne tint aucun compte de cette difformité extérieure, puisqu’elle aimait la beauté intérieure. Elle n’appréhenda pas, malgré cette laideur, de ne pas être aimée de l’époux céleste. Ayant quitté l’habit séculier. Elle se consacra à la vie religieuse dans le monastère qui touche l’église Saint-Pierre. Elle y resta beaucoup d’années, honorant Dieu par ses oraisons, ses aumônes et sa piété. Elle fut enfin attaquée d’un cancer au sein. Deux flambeaux étaient toujours allumés auprès de son lit car, en véritable amie de la lumière, elle haïssait non seulement les ténèbres spirituelles, mais aussi les corporelles. Elle vit l’apôtre Pierre qui se tenait debout près de son lit entre ces deux flambeaux. Son amour lui fit concevoir de l’audace et elle dit : « Qu’y a-t-il, mon maître ? Est-ce que mes péchés me sont remis ? »
Saint Pierre inclina la tête avec la plus grande bonté, et lui répondit : « Oui, ils sont remis, viens. »
Et elle dit : « Que sœur Benoîte vienne avec moi, je vous en prie. »
Il dit : « Non, mais elle te suivra bientôt. »
Ce qu’elle fit connaître à l’abbesse qui mourut trois jours après.

Saint Grégoire raconte encore dans le même ouvrage, qu’un prêtre d’une grande sainteté réduit à l’extrémité se mit à crier avec grande liesse : « Bien, mes seigneurs viennent ; bien, mes seigneurs viennent ; comment avez-vous daigné venir vers un si chétif serviteur ? Je viens ; je viens, je vous remercie, je vous remercie. » Et comme ceux qui étaient là lui demandaient à qui il parlait de la sorte, il répondit avec admiration : « Est-ce que vous ne voyez pas que les saints apôtres Pierre et Paul sont venus ici ensemble ? » Et comme il répétait une seconde fois les paroles rapportées plus haut, sa sainte âme fut délivrée de son corps.

Quelques auteurs se demandent si ce fut le même jour que Saint Pierre et Saint Paul souffrirent. Quelques-uns ont avancé que ce fut le même jour, mais un an après. Saint Jérôme et presque tous les saints qui traitent cette question s’accordent à dire que ce fut le même jour et la même année. C’est attesté par la lettre de saint Denys et le récit de saint Léon (d’autres disent saint Maxime), dans un sermon où il s’exprime comme suit : « Ce n’est pas sans raison qu’en un même jour et dans le même lieu, ils reçurent leur sentence du même tyran. Ils souffrirent le même jour afin de rencontrer ensemble Jésus Christ. Ce fut au même endroit, afin que Rome les possède tous les deux, sous le même persécuteur, afin qu’une égale cruauté les atteignît ensemble. Ce jour fut choisi pour célébrer leur mérite, le lieu pour qu’ils y fussent entourés de gloire. Le même persécuteur fait ressortir leur courage. » Bien qu’ils aient souffert le même jour et à la même heure, ce ne fut pourtant pas au même endroit, mais dans des quartiers différents. Saint Léon dit qu’ils souffrirent au même endroit pour dire qu’ils souffrirent tous les deux à Rome. C’est à ce sujet qu’un poète composa ces vers :

Ense coronatur Paulus, cruce Petrus, eodem
Sub duce, luce, loco, dux Nero, Roma locus.

Traduction de Jean Batallier :

Pol fut couronné d’une épée ;
Pierre eut la croix renversée.
Néron fut duc, si comme l’on nomme
Le lieu fut la cité de Rome.

Un autre dit encore :

Ense sacrat Paulum, par lux, dux, urbs, cruce Petrum.

Paul est sacré par le glaive, Pierre par la croix : à tous deux, la même gloire, le même bourreau, et Rome pour théâtre.

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