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le 30/11/2023

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Saint François Xavier
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Sa vie, sa foi, son travail

Enfance et adolescence

Don Jean de Jasso, son père, conseiller de Jean d’Albret, avait épousé Marie d’Azpilcueta qui appartenait à l’illustre maison des Xavier. Lorsque François naquit le 7 avril 1506 à Javier, à 50 km à l’est de Pampelune, la Navarre était encore un royaume indépendant.

En 1512, elle fut annexée par la Castille, et toutes les places du royaume de Navarre furent démantelées. Le château de Javier n’y échappa pas. Le père de François mourut de chagrin en 1515, François avait neuf ans. Il resta un corps de logis où la mère s’installa avec ses cinq enfants et veilla à leur éducation.

Doué d’un caractère doux et complaisant, il passa son enfance au milieu des siens, se faisant chérir de tous ceux qui l’approchaient. Tandis que ses frères se livraient aux jeux guerriers de l’époque, lui étudiait avec ardeur.

Études à Paris

À 19 ans, François entra au collège de Sainte-Barbe à Paris pour y suivre le cours de philosophie puis il étudia à La Sorbonne en vue d’obtenir un diplôme de docteur en théologie, au bout d’une quinzaine d’années.

Sa vive intelligence et son assiduité à l’étude le secondèrent si bien qu’au bout de peu de temps, il fut reçu maître ès arts et jugé digne d’enseigner au collège de Beauvais.

Jeune et brillant, François vit bientôt sa chaire entourée d’écoliers avides d’écouter ses leçons. Sa vanité, agréablement flattée, se complut au milieu des applaudissements ; mais Dieu veillait sur lui.

En 1528, François rejoignit le petit groupe d’étudiants qu’Ignace de Loyola (1491-1556), son compagnon au collège Sainte-Barbe, avait réuni autour de lui.

Cette position élevée qui, en l’exposant aux regards de la foule, pouvait devenir pour Xavier une source de perdition servit au contraire à le désigner à l’attention de l’homme chargé de lui montrer sa voie. Cet homme était Ignace de Loyola.

Conversion

Ignace était venu à Paris pour se perfectionner dans les lettres humaines. Désirant rassembler une compagnie d’hommes zélés et savants, il jeta les yeux sur le jeune Navarrais, son compatriote. Tout d’abord, il loua ses talents naturels, applaudit en public à la subtilité de ses réponses, et dans un moment où le jeune homme se trouvait gêné, lui offrit de l’argent qui fut accepté.

Désormais, l’âme reconnaissante de Xavier fut toute à lui. Ignace en profita pour lui faire entendre les conseils de la prudence. Faisant allusion aux grandeurs humaines après lesquelles soupirait son ami, il ne cessait de répéter : « Que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il perd son âme ? » Xavier après de violents combats se rendit enfin, et ce fut pour toujours.

En 1533, Saint Ignace de Loyola convertit François Xavier.

Les vacances venues, François Xavier fit une retraite sous la conduite d’Ignace de Loyola avec une ferveur si grande qu’il passa quatre jours sans prendre aucune nourriture. Il en sortit avec le dessein d’être à Dieu.

Débuts de la Compagnie de Jésus

Les sept étudiants se réunissaient chez les uns et les autres pour parler de l’amour du Christ et se dévouer aux plus pauvres. Ils ont cherché… Un premier pas sembla s’imposer : partir à Jérusalem dans la plus stricte pauvreté.

Le 15 août 1534 (François a 28 ans), les sept amis se rendirent à la petite chapelle des Martyrs, sur la colline de Montmartre près de Paris, encore en dehors de la ville à l’époque. Ils prononcèrent des vœux de pauvreté, de célibat et de pèlerinage à Jérusalem, pour assister les chrétiens soumis au joug de Mahomet, et décidèrent aussi de se mettre à la disposition du pape s’ils ne parvenaient pas à rejoindre Jérusalem au bout d’un an. Ce furent les tout débuts de la Compagnie de Jésus.

Deux ans après, tandis qu’Ignace réglait ses affaires en Espagne, Xavier et neuf de ses compagnons traversaient l’Allemagne, pour se rendre à Venise. C’est là que la Compagnie devait se réunir et embarquer pour la Terre sainte. Durant ce long trajet, François se distingua par son esprit de mortification. Pour se punir de la vanité que lui avait inspirée autrefois son agilité à la course, il s’était lié les membres avec de petites cordes. Le mouvement enfla les jambes, et les cordes entrèrent si profondément dans les chairs, qu’un chirurgien consulté par ses compagnons déclara qu’on ne pouvait les retirer sans faire des incisions très douloureuses. Pleins de foi, les compagnons de Saint Ignace se mirent en prière et le lendemain les cordes étaient tombées.

Arrivé à Venise, François Xavier ne voulut pas d’autre logement que l’hôpital des incurables. Il passait la journée à soigner les infirmités les plus repoussantes. Un de ses malades était affligé d’un ulcère horrible ; personne n’osait le servir. François lui-même frémit en le voyant. Mais, domptant ce premier mouvement, il s’approcha du malheureux, baisa ses plaies et les pansa avec amour.

François prêtre

Bientôt, Ignace l’arracha à ses exercices de charité et l’envoya à Rome avec ses compagnons, implorer la bénédiction du Souverain Pontife sur leur voyage de Terre sainte. Le pape, après les avoir reçus avec une affection toute paternelle, leur conseilla de renoncer à ce dessein à cause de la guerre prête à éclater entre l’Occident catholique et la Turquie ; mais entre-temps, il permit à tous de recevoir la prêtrise. François revint donc à Venise où il fut ordonné prêtre le jour de la fête de saint Jean-Baptiste, en 1537.

Constatant en effet que Jérusalem était inaccessible, les sept jeunes se retrouvèrent à Rome à Pâques 1538. En attendant l’audience pontificale auprès de Paul III, François prêcha et confessa à l’église Saint-Louis des Français. Il catéchisa les petits enfants.

En 1539, le roi du Portugal, Jean III, demande au pape la permission de collaborer avec ces jeunes apôtres si zélés que leur réputation est parvenue jusqu’à la cour de Lisbonne. Le roi désire les envoyer en mission d’évangélisation dans les possessions portugaises d’Asie.

Pour mieux se préparer à la célébration de sa première messe, il se retira dans une cabane en ruine, près de Padoue. C’est là qu’il fit une retraite de quarante jours dans une solitude continuelle, exposé aux injures de l’air, couchant sur la dure, châtiant rudement son corps et vivant de quelques morceaux de pain qu’il mendiait aux environs.

Pendant les deux mois qui suivirent, il parcourut les campagnes, semant le grain de la parole divine. Enfin, il dit sa première messe à Vicence avec une telle abondance de larmes qu’il fit pleurer tous ceux qui y assistèrent.

Ces émotions et les fatigues qui les avaient précédées le forcèrent à s’aliter. Il demeura longtemps malade à l’hôpital, dans une chambre malsaine avec des remèdes et des aliments si pauvres qu’ils ne pouvaient le guérir. Mais Dieu sait dispenser les consolations au milieu des souffrances. Une nuit, tandis que François reposait sur son lit de douleur, saint Jérôme lui apparut pour le réconforter et lui révéler la mission à laquelle Dieu l’appelait ; peu de temps après, Xavier, complètement guéri, se remettait aux ordres de saint Ignace.

À cette époque, le roi du Portugal, Jean III obtint du Souverain Pontife deux religieux de la nouvelle compagnie, Simon Rodrigues et Nicolas Bobadilla, chargés de porter l’Évangile dans les Indes orientales. Le père Bobadilla étant tombé malade, le général confia cette mission à François-Xavier. On ne saurait exprimer la joie que lui causa cette décision. Il avait été souvent averti par des songes mystérieux qu’il devait être l’apôtre d’un monde d’idolâtres ; désormais, il voyait clairement ce que la Providence exigeait de lui. Il en remercia Dieu avec effusion et, après avoir reçu la bénédiction du Souverain Pontife et de son père saint Ignace.

Le 15 mars 1540, François et son confrère Rodriguez quittent Rome pour Lisbonne avec l’ambassadeur du Portugal. François ne reverra plus ses compagnons.

Comme il traversait la Navarre, l’ambassadeur, don Mascaregnas, lui proposa de passer au château de Xavier qui se trouvait peu éloigné de la route. Le saint sentit son cœur ému à la pensée de revoir sa mère qu’il aimait avec tendresse, ses frères et ses amis au milieu desquels s’était écoulée son enfance. Mais il ne pouvait laisser échapper l’occasion d’un sacrifice ; il s’éloigna donc rapidement, comprimant le désir de son âme aimante, et don Mascaregnas fut si touché de cette abnégation qu’il résolut de se donner à Dieu.

Xavier trouva à Lisbonne le père Simon Rodrigues qui l’avait devancé en prenant la voie de mer. Les deux religieux se logèrent à l’hôpital et, en attendant le jour du départ, ils se mirent à prêcher dans toute la ville. Ils restèrent huit mois à Lisbonne. Leurs exercices produisirent des résultats si merveilleux que Jean III, ne pouvant se séparer de deux hommes qui transformaient son royaume, demanda au pape la faveur de les conserver auprès de lui. Le pape, sollicité, remet la décision à Ignace qui décida que Simon Rodrigues resterait à Lisbonne et que Xavier partirait seul pour les Indes. C’est ainsi qu’à travers tant d’événements le doigt de Dieu conduisait notre saint vers sa mission.

Le début d’une vie missionnaire.

Le 7 avril 1541, à 35 ans, il prend le bateau avec pour seuls bagages un vêtement chaud, un bréviaire et un petit recueil d’écrits patristiques. La flotte mit à la voile sous le commandement du vice-roi des Indes, Alphonse de Souza. Saint François-Xavier, en possession d’un bref qui le nommait nonce de tout l’Orient dut monter sur le vaisseau-amiral, malgré ses protestations d’humilité.

Son séjour sur le vaisseau du vice-roi fut un véritable apostolat. Il prêchait sans cesse les matelots, leur faisait le catéchisme et dans leurs maladies leur rendait les services les plus humbles. À Mozambique, à Mélinde, où la flotte fit relâche, il continua ses prédications avec tant de succès que les habitants, encore plongés dans les ténèbres de l’idolâtrie, pleurèrent en le voyant remonter sur son vaisseau.

Il arrive au comptoir de Goa (côte ouest de l’Inde) le 6 mai 1542. Ce fut avec des larmes de joie qu’il salua cette terre promise après laquelle il soupirait depuis si longtemps.

Sa qualité de nonce apostolique lui donne les pleins pouvoirs du pape sur les fidèles et les infidèles de l’empire colonial du Portugal en Asie. Commence alors pour lui une vie de missionnaire infatigable, entièrement confiée à l’Esprit-Saint, et totalement dévouée aux hommes vers lesquels la Providence l’envoie.

À son arrivée, il trouva les choses dans un état déplorable. Les Portugais, livrés aux passions les plus honteuses, donnaient aux idolâtres un mauvais exemple qui empêchait toute conversion. Le saint religieux en versa des larmes devant Dieu, mais il ne se découragea point.

Comme les apôtres, François va enseigner, baptiser, réconcilier. Il proclame à tous la Parole du Salut et invoque continuellement Marie (notamment l’Immaculée Conception. Il a juré de défendre envers et contre toutes les critiques le mystère associé) pour le soutenir dans son travail d’évangélisation. Sa pauvreté personnelle, ses austérités, son dévouement, sa prière, sa joie parleront au cœur des hommes plus que sa parole. Sa véritable prédication, c’est sa personne, sa vie, son exemple. Comme les apôtres, et à l’image de saint Paul, il implante l’Église, déléguant à d’autres le soin d’organiser et de former ces jeunes communautés. Humble et simple, il renonce à la résidence qui lui est réservée, et loge à l’hôpital. À ses frères d’Europe, il écrit : « Ici à Goa, je me suis logé à l’hôpital. Je confesse les malades qui s’y trouvent et je leur donne la communion. Il y en a tant à venir se confesser que si j’étais divisé en dix morceaux, en chacun d’eux et partout, j’aurais à les confesser. Ensuite, je confesse les bien-portants qui viennent me trouver… Après avoir confessé les prisonniers, j’ai pris une chapelle de Notre-Dame et je me suis mis à enseigner aux enfants le Credo et les commandements. »>

Le matin, il servait les malades et visitait les prisonniers. Puis, une clochette à la main, il parcourait les rues de Goa, rassemblant autour de lui les enfants et les esclaves. À leur tour, les pères de famille furent attirés, et la parole du saint retentit dans tous les cœurs. Après cela, il se rend auprès des lépreux en dehors de la ville. Le voici dans la vie trépidante d’un prédicateur, catéchiste, confesseur. Au bout de quelque temps, la ville était changée.

L’évêque de Goa veut le garder près de lui. Dans la ville, il concentre ses efforts sur le collège Saint-Paul, où une soixantaine de jeunes venus de tous les pays de l’océan Indien sont pris en charge par la couronne du Portugal. François veut en faire le foyer de formation du futur clergé indigène.

Ce magnifique résultat obtenu, saint François-Xavier apprend que la nation des Palawars (pêcheurs de perles) située de l’autre côté de la péninsule des Indes, après avoir reçu le baptême, est retombée dans l’idolâtrie, faute de secours religieux. Moins de sept mois après son arrivée à Goa, le vice-roi l’envoie sur la côte de Paravers, c’est-à-dire chez les pêcheurs de perles. Ému de compassion, il se dit : « Ici, ma mission est terminée ; c’est là que Dieu m’appelle. »

Ce sont des misérables parmi les misérables. Pendant les deux ans qu’il y reste, François développe une méthode d’enseignement religieux qui sera ensuite reprise par ses nombreux successeurs. Il fait traduire les vérités de la Foi et les prières fondamentales par des indigènes bilingues. Il s’entraîne lui-même à les prononcer et à les chanter, jusqu’à ce que l’auditoire les connaisse par cœur. Comme nonce, il soutient, protège et nourrit ces pauvres communautés ; il paie des rançons pour les prisonniers et rétablit la paix entre deux tribus ennemies.

Les résultats de cette mission sont surprenants. Il écrit à Ignace : « Dans ce royaume, le Seigneur a invité beaucoup d’hommes à se faire chrétiens. En un mois, j’en ai baptisé plus de dix mille… » Jamais François n’oubliera ses chers Paravers.

En 1546, François a 40 ans, il part pour un voyage de deux années à travers les îles Moluques, à l’est de l’Indonésie, sur « la mer des pirates ». En juin, il débarque à l’île de Ternate. Son catéchisme fait merveille et ses chants retentissent bientôt partout. En septembre 1546, il passe trois mois dans l’île du More. C’est une étape très périlleuse, la population est passée maître dans l’art du poison. Elle collectionne les têtes coupées et est friande de chair humaine. Mais un sourire et un baiser de François à l’un des chefs lui valent le respect de tous.

Et il reprend la mer. En chemin, il se donne des peines infinies pour traduire le catéchisme en langue malabare, et, à peine arrivé, on le voit enseigner dans tous les villages la doctrine de Jésus-Christ. Les enfants le suivent, répétant après lui le Credo et le Salve Regina, et les pêcheurs se convertissent en grand nombre.

La ferveur de cette chrétienté renaissante était admirable. Xavier écrivant à saint Ignace avoue lui-même qu’il manque de termes pour l’exprimer. Il ajoute qu’à force de baptiser il ne pouvait plus lever le bras et que la voix lui manquait en refusant tant de fois le symbole des Apôtres. Il baptisa ainsi plus de quarante mille idolâtres.

Chose étonnante ! Il n’y eut jamais plus de malades dans la côte de la Pêcherie que pendant le séjour de notre saint. Il semblait que Dieu lui réservât l’occasion d’opérer des miracles, afin de rendre la vérité plus sensible aux yeux de ces populations ignorantes. Le procès de sa canonisation fait mention de quatre morts auxquels il rendit la vie, et d’innombrables guérisons qu’il opéra par la force de ses prières.

Un jour, tandis qu’il prêchait, on vient l’appeler au secours d’un malheureux possédé du démon. L’homme de Dieu, ne voulant pas quitter son instruction, se contente d’envoyer quelques jeunes chrétiens avec une petite croix qu’il détache de son cou. Les enfants arrivent près du démoniaque et se rangent autour de lui en chantant les prières de l’Église. Puis, sans s’effrayer de ses contorsions ni de ses menaces, ils le forcent à baiser la croix, et sur le champ l’esprit impur est chassé. Ces miracles éclatants firent admirer Xavier des Brahmanes eux-mêmes. Passant près d’un de leurs monastères, il vit venir à lui plusieurs de ces philosophes. Après les avoir reçus avec bonté, il leur posa cette question : « Que faut-il faire pour être bienheureux après la mort ? » Ils se regardèrent un moment sans répondre. Enfin, le plus âgé d’entre eux prit la parole, et dit d’un ton grave : « Deux choses conduisent l’âme à la gloire : l’une de ne pas tuer de vaches, l’autre de faire l’aumône aux Brahmanes. »

Les autres applaudirent en entendant cet oracle. Un aveuglement aussi étrange toucha le saint de compassion, et les larmes lui vinrent aux yeux. Il se leva tout à coup, et en quelques mots esquissa à ces ignorants les principaux traits de la religion. Les brahmanes s’écrièrent aussitôt que le Dieu des chrétiens était le Dieu véritable. Mais lorsque Xavier, heureux de ce succès inespéré, leur parla d’embrasser la vraie foi, ils répondirent ce que répondent aujourd’hui les chrétiens faibles et intéressés : « Que dira le monde ? Que deviendront nos familles ? » Le saint se retira, désolé de n’avoir pu en ramener qu’un seul à Jésus-Christ.

Il y avait plus d’un an que Xavier travaillait à la conversion des Palawas. La moisson était si abondante qu’il crut devoir partir pour Goa, afin d’en ramener des coopérateurs. Il ne tarda pas à revenir, plus ardent que jamais à la conquête des âmes. Dans le royaume de Travancor, on le vit baptiser en un jour des villages entiers. Il prêchait souvent dans la plaine à cinq ou six mille personnes assemblées, et, suivant la relation d’un jeune Portugais qui l’avait suivi, parlait la langue du pays sans ne l’avoir jamais apprise.

Un jour, les Badages, membre d’un peuple sauvage et vivant de rapines firent une incursion sur le territoire de Travancor. La population effrayée s’enfuit à leur approche. Seul, Xavier, tenant en main son crucifix, s’avance vers ses barbares. À sa vue, les chefs s’arrêtent saisis de terreur. Le saint les somme alors, au nom du Dieu vivant, de rebrousser chemin, et aussitôt, comme poussés par une force invisible, ils prennent la fuite.

Cependant, la réputation du saint missionnaire allait toujours croissant. De toutes parts, on réclamait sa présence. Docile à ces appels, Xavier parcourut successivement l’île de Manar, Malacca et les Moluques.

C’est en traversant cet archipel qu’il perdit son crucifix en le plongeant dans la mer pour apaiser une furieuse tempête. Le lendemain, comme il se promenait sur le rivage, il vit un crabe s’avancer vers lui, tenant dans ses pinces la précieuse image. Le Père se mit à genoux pour la recevoir, et, prosterné sur le sable, il remercia Dieu.

Saint François-Xavier rencontra à Malacca un noble Japonais nommé Anger, qui, après une jeunesse fort troublée, avait cherché parmi les bonzes solitaires de son pays une paix que ceux-ci furent impuissants à lui procurer. Il entendit parler du Père Xavier et, conduit à Malacca par une suite de circonstances providentielles, il courut se jeter à ses pieds. Le bon Père l’accueillit avec tendresse, et lui parla avec une si douce persuasion qu’il résolut de s’attacher à lui. Il le suivit, en effet, à Goa, et reçut le baptême sous le nom de Paul de Sainte-Foi.

Ce n’était pas assez pour notre saint d’avoir mérité le nom d’apôtre des Indes. L’exemple du nouveau chrétien qu’il venait de donner à Jésus-Christ lui prouvait qu’au-delà des mers un autre champ s’offrait à son zèle. Il résolut donc d’aller prêcher l’Évangile au Japon, et le 15 août de la même année il abordait à Cangoxima.

Grâce à Paul de Sainte-Foi, Xavier fut sur le champ mis en relation avec le roi de Saxuma qui lui permit d’annoncer la foi à ses sujets. Tout d’abord, les bonzes cherchèrent à le perdre dans l’esprit du peuple, mais il déjoua sans peine leurs calomnies par la sainteté de sa vie et par ses miracles qu’il ne cessait d’opérer.

Tantôt, c’est un enfant tout difforme qu’il rend sain et beau à sa mère, un lépreux dont il guérit en même temps l’âme et le corps ; tantôt, c’est une jeune fille qu’il ressuscite, comme autrefois Notre-Seigneur ressuscita la fille du centenier, en disant à son père : « Allez, votre fille est en vie. » Un jour, il rencontre des pêcheurs qui après une journée pénible, n’ont encore rien pris. Il leur conseille de jeter de nouveau leurs filets, et ils prennent tant de poissons que leur barque est près de couler. La mer de Cangoxima fut depuis très poissonneuse.

Ces miracles ne désarmèrent pas les bonzes. À force de calomnies, ils décidèrent le roi de Saxuma à chasser saint François. Le saint missionnaire poursuivit donc sa route vers Miako, siège de l’empire du Japon. En passant à Amanguchi, il fut frappé de la corruption de mœurs qui y régnait. Il voulait élever la voix, mais ses remontrances et ses exhortations furent vaines. La réception qui l’attendait à Miako ne fut pas plus consolante. L’âme pleine de tristesse, il dut revenir à Amanguchi, et cette fois, grâce aux cadeaux qu’il eut soin de faire, il obtint la permission d’enseigner sa religion. Bientôt, il se vit entouré des lettrés du pays qui vinrent lui soumettre leurs objections. Il les écoutait avec une patience admirable, et, chose unique peut-être dans les annales des saints, par une seule réponse, il satisfaisait à dix ou douze questions faites sur des sujets différents. De même, quand il prêchait, il était également bien entendu des Japonais et des Chinois dont il ignorait la langue. Grâce à tant de prodiges, une chrétienté florissante s’établit au sein de cette ville, livrée hier encore à l’idolâtrie et à l’impureté.

Cependant, les affaires de la Compagnie rappelèrent le Père dans les Indes. Il quitta le Japon en 1551, et, après avoir échappé à une horrible tempête, il rentra dans Goa avec un nouveau dessein bien arrêté, celui d’aller conquérir la Chine à Jésus-Christ.

En effet, deux mois après, ayant tout disposé comme s’il ne devait plus revenir, il reprenait la mer. Il s’arrêta à l’île de Sancian, en face de Canton. Là, tandis qu’il cherchait le moyen de pénétrer en Chine, il tomba gravement malade. On le transporta sur le vaisseau, afin de le soigner. Mais l’agitation des eaux l’empêchant de se livrer à l’oraison, il demanda à être rapporté à terre.

Le saint religieux resta longtemps étendu sur le sable du rivage, exposé au vent du nord très vif à cette époque de l’année. Il serait mort, privé de tout secours si un Portugais, nommé Georges Alvarez, pris de pitié, ne l’eût recueilli dans une mauvaise cabane.

Il demeura quinze jours en proie aux plus grandes souffrances, mais soutenu en même temps par la grâce de Dieu. Souvent, ne pouvant supporter l’abondance des consolations célestes, il était obligé d’entrouvrir son habit comme pour donner de l’air à sa poitrine et alors il s’écriait : « C’est assez, Seigneur, c’est assez ; épargnez mon pauvre cœur. » Enfin, le vendredi 2 décembre, il sentit approcher ses derniers moments.

Les yeux baignés de larmes et tendrement attachés sur son crucifix, il prononça d’une voix claire ces paroles : « J’ai espéré en vous, ô, mon Dieu, et je suis assuré de n’être jamais confondu ! » Et, tandis que son visage s’illuminait d’une joie céleste, son âme s’envola vers les cieux. Il était âgé de quarante-six ans.

Dix semaines plus tard, on déterre son corps et on le transporte à Singapour (anciennement Malacca, où François avait passé quelques mois en 1545). La dépouille est accueillie par de grandioses processions, et plusieurs miracles lui sont attribués. La béatification de François-Xavier par Paul V eut lieu le 25 octobre 1619. Il fut canonisé par Grégoire XV le 12 mars 1622 en même temps qu’Ignace de Loyola et Thérèse d’Avila. Il est, avec sainte Thérèse de Lisieux, patron des missions, mais aussi du tourisme en raison de ses voyages. Liturgiquement, il est commémoré le 3 décembre par les catholiques et les anglicans.

Pourquoi saint François-Xavier part-il évangéliser les Indes ?

François-Xavier se met au service du roi du Portugal en 1539. Or, dès le début des grandes découvertes de la Renaissance, les deux grandes puissances de l’époque, l’Espagne et le Portugal se sont partagé le monde au traité de Tordesillas (1494), complété en 1529 par le traité de Saragosse. L’Espagne reçoit des droits sur les « Indes occidentales » (l’Amérique, hormis l’extrémité orientale du Brésil actuel) et l’Océan pacifique, tandis que le Portugal peut dominer tout le territoire situé entre le Brésil et l’ouest du Pacifique, dont les « Indes orientales » (tout le Sud-Est asiatique). Comme les traités stipulent que chaque puissance doit organiser l’évangélisation des contrées placées sous leur responsabilité, le roi du Portugal envoie des missionnaires dans les Indes orientales, en leur conférant une importante liberté d’action. Les missionnaires sortent fréquemment des limites de l’implantation réelle des Européens, l’évangélisation n’est donc pas directement liée à la colonisation.

Saint François-Xavier parle du Japon et de son travail d’évangélisation peu après son arrivée (1549).

« Maintenant, voici quelques détails sur les îles japonaises, au moins sur ce que j’ai pu voir et apprendre par moi-même. De tous les peuples barbares que j’ai vus, nul ne peut être comparé à celui-ci pour la bonté de sa nature. Il est d’une probité parfaite, franc, loyal, ingénieux, avide d’honneurs et de dignités. L’honneur est pour lui le premier de tous les biens. Il est pauvre, mais chez lui la pauvreté n’est pas méprisée. La noblesse pauvre n’est pas moins considérée que si elle était riche, et jamais l’indigence ne déterminerait un gentilhomme à se mésallier pour relever son nom par le secours d’une opulence plébéienne : il croirait s’avilir. Les Japonais sont obligeants. Ils ont un goût excessif pour les armes, qu’ils considèrent comme une sauvegarde indispensable. Tout le monde est armé, les petits comme les grands : tous portent à la ceinture un poignard et une épée, même les enfants de quatorze ans, et ils ne comprennent pas qu’on supporte une parole offensante. […] Le Japonais mange peu et boit beaucoup. Sa boisson est une liqueur produite par le riz fermenté, car la vigne est inconnue ici. Ils regardent comme infâmes toutes sortes de jeux, surtout ceux de hasard parce que le joueur, disent-ils, convoite le bien d’autrui. S’ils jurent, ce qui est rare, c’est par le soleil. Presque tous savent lire, ce qui nous sera d’un grand secours pour leur faire apprendre les prières et les principaux points de la doctrine chrétienne. […] Ils écoutent avidement tout ce que nous leur disons de Dieu et de la religion. Les Japonais n’adorent pas de figures d’animaux ; ils rendent les honneurs divins à d’anciens personnages dont la vie, autant que j’aie cru le comprendre, ressemblait à celle de nos anciens philosophes. Quelques-uns adorent le soleil, d’autres la lune. Tous entendent parler, avec plaisir, de ce qui se rapporte à l’histoire naturelle et à la philosophie morale. Bien que coupables de plusieurs crimes, ils se condamnent dès qu’on leur en découvre l’énormité à la seule lumière de la raison. La vie des bonzes est plus criminelle que celle du peuple, et pourtant ils jouissent d’une grande considération… J’ai eu plusieurs conférences avec quelques-uns des plus fameux, et notamment avec celui qui, en raison de son habileté, de son titre et de son grand âge — il est octogénaire —, jouit du respect, de la vénération même de toute la contrée. Il est parmi les bonzes comme une sorte d’évêque ; il a le titre de Ninchit. Je l’ai toujours trouvé hésitant sur les questions les plus simples, quoique les plus importantes, comme : notre âme est-elle immortelle ? ou périt-elle avec le corps ? À cela, il répond tantôt, affirmativement, tantôt, négativement. Si ce fameux docteur est si peu solide, que puis-je penser des autres ? Cependant, ce qui vous paraîtra surprenant, il m’aime beaucoup et le peuple comme les bonzes, recherche notre conversation avec avidité. Ce qui les étonne singulièrement, c’est que nous ayons fait six mille lieues dans l’unique but de leur annoncer l’Évangile. Le sol de ces îles est éminemment propre à recevoir la semence évangélique ; rendez-en grâce à Dieu avec nous. Si nous possédions parfaitement la langue du pays, nous ferions ici une abondante récolte. Dieu veuille que nous la possédions bientôt ! Déjà, nous commençons à la parler, et en quarante jours nous avons fait des progrès suffisants pour pouvoir expliquer les dix commandements de Dieu. Je n’entre dans ces détails que pour vous porter à remercier l’adorable Providence d’avoir ouvert à votre zèle ces nouvelles contrées. » (Daurignac J.M.S., Vie de Saint François-Xavier, de la compagnie de Jésus, apôtre des Indes et du Japon, protecteur de l’Orient, Paris, Ambroise Bray, 3e éd. 1870)

Acte de contrition et d’amour de Dieu de saint François-Xavier.

Ô mon Dieu ! Je vous aime plus que toute chose, et j’ai eu le malheur de vous déplaire et de vous offenser, vous, mon Dieu, si bon, si digne de tout mon amour ! Je hais les péchés que j’ai commis ; je les hais parce qu’ils vous ont offensé et m’ont éloigné de vous. Je veux vous aimer désormais de manière à ne pas m’exposer au danger de perdre votre divine grâce, à laquelle je vous conjure de me rendre fidèle jusqu’au dernier instant de ma vie. Amen.

Acte de remerciement, de confiance et d’amour.

Ô Dieu tout-puissant, créateur de toutes choses, c’est vous qui m’avez créé, c’est vous qui m’avez donné une âme, c’est vous qui avez formé mon corps ; je tiens de vous, ô, mon Dieu, tout ce que je suis et tout ce que je possède. Vous m’avez fait à votre image, à votre ressemblance, je suis créé pour vous, et vous serez un jour ma suprême félicité. Je m’abandonne à vous, ô, mon Seigneur et mon Père ! Avec la confiance la plus entière ! J’espère de votre adorable miséricorde obtenir mon salut éternel, par les mérites infinis de la sainte passion et de la sainte mort de mon sauveur, le Seigneur Jésus, quels que soient le nombre et l’énormité des péchés que j’ai commis depuis que je suis au monde. Je vous remercie, ô, mon Dieu ! Je vous rends mille Actions de grâces de m’avoir accordé le bonheur de connaître la foi de l’Église et votre divin Fils, mon Seigneur Jésus-Christ. Père des miséricordes ! Mettez dans la balance de votre justice d’un côté tous les péchés de ma vie et de l’autre tous les mérites de la passion et de la mort de mon divin rédempteur, Jésus-Christ votre adorable Fils, et alors je serai pardonné, je serai délivré, j’obtiendrai la gloire éternelle du Paradis. Amen.


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