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À partir de la légende dorée de saint Jacques le Mineur |
Dernière mise à jour le 30/11/2023 Plan du site Menu en haut de page Aide |
À partir de la légende dorée |
Jacques le Mineur et le Juste fut fils d’Alphée et frère du Seigneur. On l’appelle Jacques d’Alphée non seulement selon la chair, mais encore selon la signification du nom, car Alphée veut dire docte, ou fugitif, ou millième. Jacques fut docte par l’inspiration de la science, fugitif par le mépris du monde, et millième par la réputation et l’humilité. On l’appelle le frère du Seigneur, parce qu’il lui ressemblait tellement que la plupart les confondaient. Quand les Juifs vinrent se saisir de Jésus-Christ, Judas embrassa Jésus afin qu’il soit reconnu et éviter Jacques le Mineur soit pris à sa place. C’est ce qu’atteste saint Ignace dans sa lettre à saint Jean l’évangéliste, où il dit : « S’il m’est donné de pouvoir aller à Jérusalem, je veux voir ce vénérable Jacques, qui est surnommé le Juste, et qu’on dit être aussi semblable à Jésus-Christ par les traits de son visage, sa vie et sa manière d’être que s’ils étaient fils de la même mère. » On l’appelle aussi le frère du Seigneur, parce que Jésus-Christ et Jacques descendaient de deux sœurs. Ils étaient aussi considérés comme descendants des deux frères, Joseph et Cléophas. Il n’est pas appelé frère du Seigneur parce que Joseph, l’époux de Marie, l’eut d’une autre femme, comme l’ont prétendu quelques personnes. Il fut fils de Marie, fille de Cléophas, et ce Cléophas fut le frère de Joseph l’époux de Marie, bien que maître Jean Béleth dise qu’Alphée, le frère de ce Jacques, fut frère de Joseph l’époux de Marie. Ce n’est pas considéré comme vrai : les Juifs appelaient frères ceux que réunissaient les liens du sang.
On l’appelle frère du Seigneur à cause de la prérogative et de l’excellence de sa sainteté, qui fit qu’il fut, de préférence aux autres apôtres, ordonné évêque de Jérusalem. On l’appelle Jacques le Mineur pour le distinguer de Jacques fils de Zébédée. Quoiqu’il fût né avant Jacques, fils de Zébédée, il fut cependant surnommé le plus jeune. Pareille coutume s’observe dans la plupart des congrégations religieuses où celui qui entre le premier s’appelle majeur, et celui qui n’y arrive qu’après lui reçoit le nom de mineur même s’il est plus âgé ou plus éminent en sainteté. Jacques fut appelé le Juste à cause du mérite de son éminente sainteté. Saint Jérôme dit : « Telle fut la vénération que le peuple eut pour lui, que l’on se disputait à qui toucherait le bord de ses vêtements. » Et Hégésipe qui vivait près du temps des apôtres, a rendu aussi témoignage de la sainteté de Jacques : Il dit : « Il fut sanctifié dès le ventre de sa mère. Il ne but ni vin ni bière, il ne mangea jamais de viande, il ne porta jamais le fer sur sa tête, il ne s’oignit point d’huile, il ne fit point usage de bains, il ne se vêtait que d’un simple drap de toile. Il fléchit si souvent les genoux pour se mettre en oraison, que ses genoux étaient devenus tout durs. C’était le seul d’entre les apôtres auquel l’on permit, à cause de son éminente vertu, d’entrer dans le saint des saints. » On dit qu’il fut le premier parmi les apôtres qui célébra la messe. À cause de sa grande sainteté, les autres lui accordèrent l’honneur d’être le premier, après l’Ascension du Seigneur, à célébrer les Saints-Offices dans la ville de Jérusalem, même avant qu’il eût été ordonné évêque. Il est dit dans le livre des Actes, que les disciples persévéraient dans la doctrine des apôtres et dans la communion du pain, ce qui doit s’entendre de la célébration de la messe. On dit aussi que ce fut saint Jean qui célébra le premier la messe, revêtu d’habits pontificaux. Après la passion du Sauveur, Jacques fit vœu de ne pas manger jusqu’à ce qu’il eût vu son maître ressuscité d’entre les morts. Le jour de la résurrection, comme il n’avait jusque-là pris aucune nourriture, le Seigneur lui apparut. Il dit à ceux qui étaient avec Jacques : « Disposez la table ». Prenant ensuite un pain, il le bénit, et le donna à Jacques le Juste, en disant : « Lève-toi, mon frère, et mange, car le Fils de l’homme est ressuscité d’entre les morts. » La septième année de son épiscopat, Jacques vit les autres apôtres réunis autour de lui à Jérusalem. Pendant sept jours il prêcha avec eux dans Vle temple en présence de Caïphe et des autres Juifs. Comme ils étaient prêts à demander le baptême, un Juif entra tout à coup dans le temple et s’écria : « Que faites-vous israélites ? Pourquoi vous laissez-vous abuser par ces magiciens ? » Alors le peuple se souleva et voulut lapider les apôtres. Ce Juif monta sur les marches d’où Jacques prêchait. Il le précipita au bas ce qui rendit l’apôtre boiteux. Dans la trentième année de son épiscopat, les Juifs ne pouvaient pas tuer saint Paul, parce qu’il en avait appelé à César et qu’il avait été envoyé à Rome. Ils déchaînèrent alors toute leur fureur contre Jacques et cherchèrent l’occasion de se défaire de lui. Hégésippe raconte, comme il est écrit dans l’Histoire ecclésiastique, qu’ils se réunirent et vinrent le trouver en disant ; « Nous te prions de détromper le peuple, car il tombe dans l’erreur en s’imaginant que Jésus est le Messie. Veuille donc dissuader tout le peuple au jour de la Pâque prochaine. Nous nous conformerons tous à ce que tu diras, car tu es juste et digne de vénération et tu ne fais nulle acception de personne. » Ils le placèrent donc sur le pinacle du temple, et ils crièrent à haute voix : « Ô, le plus juste des hommes, auquel nous devons tous la soumission, ce peuple est dans l’erreur au sujet de Jésus qui a été crucifié. Expose-nous ce qu’il t’en semble. » Alors Jacques répondit d’une voix forte : « Pourquoi m’interrogez-vous à l’égard du Fils de l’homme ? Il est assis dans le ciel à la droite du Tout-Puissant et il viendra juger les vivants et les morts. » En entendant cela, les chrétiens furent pleins de joie, et ils écoutèrent l’apôtre avec grande satisfaction. Les pharisiens et les scribes dirent : « Nous avons mal fait de faire rendre un tel témoignage à Jésus. Mais, montons et précipitons-le en bas, afin d’effrayer les autres, et que l’on n’ose se déclarer son partisan. » Ils se mirent à crier de tontes leurs forces : « Le juste est dans l’erreur. » Ils montèrent, ils le précipitèrent et ils l’écrasèrent avec des pierres en disant : « Lapidons Jacques le Juste. » Il ne fut point tué par sa chute. Se relevant et se mettant à genoux, il dit : « Je vous prie, Seigneur de leur pardonner, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Alors un des prêtres, des enfants de Raab, s’écria : « Arrêtez, épargnez le Juste qui prie pour vous. » Alors un juif prit un marteau à foulon, et d’un grand coup, il brisa la tête de l’apôtre et fit voler au loin sa cervelle. C’est ce que raconte Hégésippe. Jacques alla ainsi vers Dieu, sous le règne de Néron, qui monta sur le trône l’an du Seigneur cinquante-sept. Il fut enseveli près du temple. Quand le peuple voulut venger sa mort et se saisir de ses meurtriers, ils prirent la fuite. Josèphe dit qu’à cause de la mort de Jacques le Juste eurent lieu la dispersion des Juifs et la destruction de Jérusalem. Mais ce ne fut pas seulement à cause de la mort de Jacques, mais surtout pour celle du Seigneur qu’arriva cette destruction, comme l’avait prédit Jésus-Christ. Il ne voulut pas la mort du pécheur, aussi les attendit-il durant quarante ans, et il leur fit prêcher la pénitence par les apôtres. Et comme ils n’écoutaient pas les prédications, le Seigneur voulut du moins effrayer par des prodiges ces cœurs endurcis. Dans l’espace de ces quarante ans, il se fit beaucoup de miracles et de choses merveilleuses, ainsi que le raconte Josèphe. L’on vit une étoile brillante et en forme de glaive au-dessus de la ville, et elle y resta une année entière, jetant une clarté éblouissante. Un jour que l’on célébrait la fête des Azymes, à l’heure de none, la foudre entoura l’autel et tout le temple. Chacun croyait que la fin du monde était arrivée. Dans cette même fête, une génisse amenée pour être sacrifiée se changea tout à coup en brebis dans les mains des sacrificateurs. Quelques jours après, au moment du coucher du soleil, on vit des chars qui couraient dans toutes les régions de l’air et des légions qui combattaient entre elles dans les nuages et des villes dont on faisait le siège. À la fête de la Pentecôte, les prêtres étant entrés la nuit dans le temple pour y exercer les fonctions de leur ministère entendirent un grand bruit et des voix qui disaient : « Sortons de ces lieux. » Dans la quatrième année de la guerre, un homme nommé Jésus, fils d’Ananie, se mit à crier lors de la fête des Tabernacles : « Voix de l’Orient, voix de l’Occident, voix des quatre vents, voix sur Jérusalem et sur le temple, voix sur les époux et les épouses, voix sur tout le peuple. » On le saisit, on le frappa, on le flagella. Jamais il ne proféra d’autre parole. Plus on le frappait, plus il répétait avec force ces mêmes mots. On le mena au juge, on le soumit à une cruelle torture jusqu’à lui briser les os. On ne tira de lui ni une plainte ni une larme, car à chaque coup qu’il recevait, il répétait en hurlant ces mêmes paroles et il ajouta : « Malheur ! malheur à Jérusalem ! » C’est ce que raconte Josèphe. Au bout de quarante ans, les Juifs n’étant pas convertis par les prédications des apôtres et n’étant pas effrayés par de tels prodiges, le Seigneur envoya Vespasien et Titus contre Jérusalem qu’ils détruisirent de fond en comble. Voici la cause de leur venue devant Jérusalem telle que rapportée par une certaine histoire apocryphe : voyant qu’il avait condamné Jésus malgré son innocence, et redoutant la colère de l’empereur Tibère, pour se justifier, Pilate lui envoya un messager nommé Albanus. À cette époque, Vespasien gouvernait la Galatie au nom de Tibère. L’envoyé de Pilate fut poussé par les vents sur les côtes de la Galatie et conduit à Vespasien. L’usage dans ce pays était que quiconque y faisait naufrage devenait l’esclave du gouverneur. Vespasien demanda à Albanus qui il était, d’où il venait et où il allait. Il répondit : « Je suis de Jérusalem, et j’en étais parti pour me rendre à Rome. » Vespasien répondit : « Tu viens du pays des sages, tu connais la science de la médecine, tu dois pouvoir me guérir. » Vespasien était dès son enfance attaqué d’une espèce de vers qui se logeaient dans ses narines. Albanus lui répondit : « Seigneur, je n’ai point de connaissances médicales, et je ne saurais te guérir. » Vespasien répliqua : « Si tu ne me guéris pas, tu mourras. » Albanus dit : « Celui qui a rendu la vue aux aveugles, qui a chassé les démons, qui a ressuscité les morts, celui-là connaît l’art de guérir qui m’est inconnu. » Vespasien dit : « Quel est celui-là qui a fait tant de grandes choses ? » Albanus répondit : « C’est Jésus de Nazareth, que les Juifs ont fait périr par méchanceté. Si tu crois en lui, tu obtiendras ta guérison. » Vespasien dit : « Je crois, car s’il a ressuscité les morts, il peut me guérir de ma maladie. » Lorsqu’il disait ces mots, les vers tombèrent de son nez et il recouvra aussitôt la santé. Alors, plein de joie, il dit : « Je suis certain que c’est le Fils de Dieu qui a pu me guérir. En ayant demandé l’autorisation à l’empereur, je me rendrai donc à Jérusalem à la tête d’une puissante armée et je détruirai tous les traîtres et les meurtriers de Jésus-Christ. » Il dit à Albanus, l’envoyé de Pilate : « Tes effets te seront rendus et je te permets de retourner libre chez toi. » Vespasien se rendit à Rome et demanda à l’empereur Tibère la permission de détruire Jérusalem. Pendant plusieurs années, il réunit son armée. Sous le règne de Néron, les Juifs se révoltèrent. Selon une chronique, Vespasien agit ainsi, non par zèle pour Jésus-Christ, mais pour se frayer un chemin à l’empire. Il vint donc à Jérusalem à la tête d’une grande armée. Au temps de Pâques, il mit le siège devant la ville investie d’une multitude immense qui était venue pour célébrer la fête. Quelque temps avant que Vespasien parût devant Jérusalem, les fidèles avaient été avertis par l’Esprit saint de sortir de cette cité et de se retirer dans une ville nommée Pella, qui était au-delà du Jourdain, pour que, les saints n’étant plus dans la ville coupable, la justice divine s’appesantît sur elle et sur ce peuple sacrilège. Une certaine ville de la Judée, nommée Jonapatas, dont Josèphe était le commandant, fut assiégée la première. Josèphe se défendit vaillamment avec les siens. Enfin, voyant que la chute de la ville était prochaine, il se retira avec onze Juifs dans un souterrain, où ils restèrent quatre jours privés de nourriture. Contre l’opinion de Josèphe, les Juifs aimaient mieux mourir que tomber sous le joug de Vespasien. Ils voulaient mutuellement se donner la mort et offrir leur sang en sacrifice à Dieu. Comme Josèphe était le plus éminent en dignité parmi eux, ils voulaient le tuer le premier pour que Dieu fût plutôt apaisé par l’effusion de son sang. Ainsi qu’on le lit dans une certaine chronique, ils voulaient se tuer les uns les autres pour ne pas tomber dans les mains des Romains. Mais Josèphe, homme prudent qui ne voulait pas mourir, se constitua le juge de la mort et du sacrifice. Il fit tirer au sort deux par deux quels seraient les premiers qui s’entr’égorgeraient. Il arrangea la chose de manière que, tous les autres étant tombés, il resta seul avec un Juif. Josèphe, qui était robuste et agile, lui arracha son épée et lui dit de choisir la mort ou la vie en lui imposant de décider immédiatement. Effrayé, le Juif répondit : « Je ne refuse pas de vivre, si je puis, grâce à toi, conserver l’existence. » Alors Josèphe s’adressa à quelqu’un qui était dans les bonnes grâces de Vespasien, pour obtenir qu’on laissât la vie à lui et à son compagnon. Il obtint ce qu’il demandait. Quand Josèphe fut amené à Vespasien, Vespasien lui dit : « Tu méritais la mort, mais nous nous sommes rendus aux sollicitations faites en ta faveur. » Josèphe dit : « Ce qui a été fait à tort peut se convertir en bien. » Vespasien dit : « Qu’est-ce que peut faire un vaincu ? » Josèpbe répliqua : « Je peux faire quelque chose si tu prêtes l’oreille à mes paroles. » Vespasien répliqua : « Je consens à t’entendre et ce que tu diras de bon trouvera en moi un auditeur indulgent. » Josèphe dit : « L’empereur romain est mort et le sénat t’a proclamé empereur. » Vespasien repartit : « Si tu es prophète, pourquoi n’as-tu pas prédit à cette ville qu’elle devait tomber en ma puissance ? » Josèphe dit : « Pendant quarante jours, je le leur ai prédit. » Sur ces entrefaites vinrent des ambassadeurs arrivant de Rome qui annoncèrent que Vespasien était élevé à l’empire. Ils l’amenèrent à Rome. Eusèbe atteste aussi dans sa chronique que Josèphe prédit à Vespasien la mort de l’empereur et son élévation à l’empire. Vespasien laissa son fils Titus pour continuer le siège de Jérusalem. D’après la même Histoire apocryphe, Titus, en apprenant que son père avait été élevé à l’empire, fut saisi d’une si vive joie qu’il fut pris de convulsions nerveuses et qu’il devint paralytique d’une jambe. Josèpbe, apprenant que Titus était malade, s’informa avec empressement de la nature de cette maladie, de sa cause et de l’époque où elle s’était déclarée. Tout ce qu’il put apprendre fut qu’elle s’était manifestée lors de l’avènement de Vespasien à l’empire. Comme c’était un homme d’une prudence et d’une habileté consommées, il devina la cause de la maladie de Titus. Sachant que les contraires se guérissent par les contraires, et que ce qui est occasionné par la joie est souvent détruit par la douleur, il se mit à rechercher s’il y avait quelqu’un contre lequel le prince eut une violente inimitié. Il y avait un esclave qui était si désagréable à Titus, qu’il ne pouvait le regarder ni même l’entendre nommer. Il dit à Titus : « Si tu veux être guéri, accueille favorablement tous ceux qui viendront avec moi. » Titus répondit : « Tous ceux qui viendront avec toi trouveront bon accueil auprès de moi. » Alors Josèphe ordonna de préparer un grand festin. Il plaça sa table à côté de celle de Titus et il plaça à sa droite l’esclave précédemment cité. Titus, en le voyant, frémit d’irritation. Comme l’excès de la joie l’avait refroidi, le mouvement de sa colère le réchauffa. Ses nerfs se détendirent et il fut guéri. Ensuite, Titus rendit ses bonnes grâces à cet esclave et accorda son amitié à Josèphe. Ce que raconte cette Histoire apocryphe est laissé au jugement du lecteur. Jérusalem fut durant deux ans assiégée par Titus. Elle souffrit les plus grands maux. Une famine si affreuse la désola que les pères arrachaient la nourriture à leurs enfants, les enfants à leurs pères, les maris à leurs femmes et les femmes à leurs maris, leur ôtant les vivres non seulement d’entre les mains, mais encore d’entre les dents. Les jeunes gens et les hommes les plus robustes, réduits par la faim à l’état de squelettes, tombaient évanouis dans les rues. Souvent, ceux qui ensevelissaient les morts tombaient morts eux-mêmes sur les cadavres auxquels ils rendaient les derniers devoirs. La puanteur des cadavres répandait l’infection, et les gouvernants les faisaient ensevelir aux frais de l’État. Mais les fonds manquant, on jeta les cadavres par-dessus les murs. Titus fit le tour de la ville. Il vit les vallées remplies de cadavres, et leur infection corrompant tout le pays. Il leva les mains au ciel en versant des larmes et dit : « Tu vois, grand Dieu, que ce n’est pas moi qui fais pareilles choses. » La famine était telle que les assiégés mangeaient leurs chaussures. Il est écrit dans l’Histoire ecclésiastique qu’une dame de race noble qui possédait de grandes richesses vit entrer chez elle des voleurs qui la dépouillèrent de tout et qui ne lui laissèrent qu’un petit enfant qu’elle allaitait. Elle s’écria : « Fils infortuné d’une mère malheureuse, au milieu de la guerre, de la famine, à quoi te réserverai-je ? Viens, mon fils, reste comme un témoignage de la fureur de ces temps et comme un objet d’effroi pour les siècles. » Disant cela, elle étrangla son fils, le fit cuire, en mangea la moitié et cacha le reste. Aussitôt, les voleurs, sentant l’odeur de la chair cuite, se précipitèrent dans la maison et menacèrent cette femme de la tuer si elle ne leur livrait pas cet aliment. Elle leur montra les membres de l’enfant et dit : « Prenez, j’ai réservé pour vous la meilleure portion. » Ils furent saisis d’une telle horreur, qu’ils ne purent parler. Elle dit : « C’est mon fils, c’est moi qui ai commis le crime. Mangez, j’ai mangé la première de celui que j’avais engendré. Ne soyez pas plus délicats qu’une mère, et plus craintifs qu’une femme. Si la pitié vous glace d’effroi, j’achèverai de manger en entier l’enfant dont j’ai déjà mangé la moitié. » Ils s’en allèrent tremblants et épouvantés. Enfin, la seconde année de l’empire de Vespasien, Titus prit Jérusalem et détruisit de fond en comble la ville et le temple. Les Juifs avaient acheté notre Seigneur pour trente deniers. Titus fit vendre trente Juifs pour un denier. À ce que raconte Josèpbe, quatre-vingt-dix-sept mille Juifs furent vendus, et onze cent mille moururent de faim ou sous le fer. On lit que Titus, étant entré dans Jérusalem, vit un mur très épais. Il ordonna de le percer. Lorsque cela fut fait, on trouva à l’intérieur un vieillard d’un aspect vénérable qui avait une longue chevelure blanche. Interrogé sur son identité, il répondit qu’il était Joseph d’Arimathie et que les Juifs l’avaient enfermé là et l’y avaient muré pour le punir d’avoir enterré Jésus-Christ. Il ajouta que depuis ce temps-là, il avait été nourri d’aliments célestes et éclairé d’une lumière divine. Il est dit dans l’évangile de Nicodème que les Juifs l’avaient ainsi enfermé, et que Jésus-Christ, lors de sa résurrection, le délivra et le conduisit à Arimathie. On peut croire que, ayant continué de prêcher, il fut derechef renfermé par les Juifs. Vespasien étant mort, son fils Titus lui succéda à l’empire. Il fut un homme d’une grande clémence et d’une extrême libéralité. Selon le témoignage d’Eusèbe de Césarée dans sa chronique et de saint Jérôme, il fut si bienfaisant que se rappelant un soir qu’il n’avait fait rien de bien et qu’il n’avait rien donné, il s’écria : « Ô, mes amis, j’ai perdu un jour. » Longtemps après, quelques Juifs voulurent rebâtir Jérusalem. Le premier matin qu’ils y vinrent, ils trouvèrent plusieurs croix couvertes de rosée. Ils furent épouvantés et prirent la fuite. Selon ce que rapporte Milet dans sa chronique, revenant le second jour au matin, chacun d’eux trouva des croix tachées de sang et empreintes sur ses vêtements. Saisis de frayeur, ils prirent de nouveau la fuite. Ils revinrent le troisième jour, et des vapeurs de feu sortant des entrailles de la Terre les firent tous périr. |