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À partir de la légende dorée de saint Paul



Dernière mise à jour
le 30/11/2023

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À partir de la légende dorée
Paul signifie bouche de trompette, ou bouche de ceux, ou élu admirable, ou miracle d’élection. Paul vient encore de pausa, qui veut dire repos en hébreu, et en latin modique.

Il en découle les six prérogatives particulières de saint Paul :

  • une langue fructueuse, car il prêcha l’Évangile depuis l’Illyrie jusqu’à Jérusalem, d’où le nom de bouche de trompette,
  • un amour de mère, qui lui fait dire : « Qui donc faiblit, sans que je partage sa faiblesse ? » (II Corinthiens, XI, 29) c’est pour cela que son nom veut dire bouche de ceux, ou bouche de cœur, ainsi qu’il le dit lui-même (II Corinthiens, VI, 11) : « Pour vous, Corinthiens, notre bouche a parlé ouvertement, notre cœur s’est élargi »
  • une conversion miraculeuse, c’est pour cela qu’il est appelé élu admirable, parce qu’il fut élu et merveilleusement converti,
  • le travail des mains ; c’est pourquoi il est nommé miracle d’élection : ce fut un grand miracle en lui de préférer gagner ce qui lui était nécessaire pour vivre et prêcher sans cesse,
  • une contemplation délicieuse, parce qu’il fut élevé jusqu’au troisième ciel, d’où le nom de repos du Seigneur ; dans la contemplation, le repos d’esprit est requis,
  • une humilité qui lui valut le nom de modique.
Il y a trois opinions au sujet du nom de Paul :
  • Origène veut qu’il ait toujours eu deux noms et qu’il ait été indifféremment appelé Saul et Paul
  • Raban pense qu’il eut le nom de Saul avant sa conversion. Ce nom était celui d’un roi orgueilleux Saül. Ensuite, selon le même auteur, il aurait eu le nom de Paul qui signifie petit, en esprit et en humilité. Il donne lui-même l’interprétation de son nom quand il dit : « Car moi, je suis le plus petit des apôtres. » (I, Corinthiens XV, 9)
  • Selon Bède, il s’est appelé Paul, à cause de Sergius Paulus, proconsul, converti par lui à la foi.

Le martyre de saint Paul fut écrit par saint Lin, pape.

Paul, apôtre, après sa conversion, souffrit beaucoup de persécutions énumérées en ces termes par saint Hilaire :

  • « Paul fut fouetté avec verges dans la ville de Philippes.
  • Il fut mis en prison et attaché par les pieds à une barre de bois.
  • À Lystre, il fut lapidé.
  • À Icône et à Thessalonique, il fut en butte à la colère de ses ennemis.
  • À Éphèse, il fut livré aux bêtes.
  • À Damas, il fut descendu du haut d’un mur dans une corbeille.
  • À Jérusalem, il fut arrêté, battu, enchaîné et agressé.
  • À Césarée, il est emprisonné et incriminé.
  • Venant à Rome, il fut exposé à une tempête et fit naufrage.
  • À Rome, sous Néron, il fut jugé et mis à mort. »

Il reçut l’apostolat en faveur des païens. À Lystre, il guérit un paralytique. Dans cette ville, il ressuscita un jeune homme qui s’était tué en tombant d’une fenêtre et fit beaucoup d’autres miracles. Dans l’île de Malte, une vipère lui mordit la main. Elle ne lui fit aucun mal. Il la secoua et la fit tomber dans un feu, mais l’ayant secouée dans le feu, il n’en reçut aucune atteinte. On rapporte que tous les descendants de celui qui accorda l’hospitalité à saint Paul n’ont rien à craindre de la morsure des bêtes venimeuses. Quand un enfant naît dans cette famille, son père met des serpents dans son berceau, pour vérifier qu’il est bien le père.

Quelques auteurs écrivent que saint Paul est inférieur à saint Pierre, d’autres qu’il lui est supérieur, certains qu’il est son égal. En réalité, il lui est inférieur en dignité, supérieur par sa prédication, mais il est égal en sainteté.

Haymon rapporte que saint Paul se livrait au travail des mains depuis le chant des poussins jusqu’à la cinquième heure. Ensuite, il se livrait à la prédication et prolongeait souvent ses discours jusqu’à la nuit. Le reste du temps lui était nécessaire pour prendre ses repas, pour dormir et pour se livrer à l’oraison.

Quand il vint à Rome, Néron qui n’était pas encore empereur apprit l’existence d’une dispute entre Paul et les Juifs au sujet de la loi judaïque et de la foi des chrétiens. IL n’y prêta pas attention et laissa Paul aller et prêcher librement.

Saint Jérôme, en son livre des Hommes illustres, dit que, « 25 ans après la passion du Seigneur, c’est-à-dire la 2e du règne de Néron, saint Paul fut envoyé à Rome chargé de chaînes, mais que pendant deux ans il resta en semi-liberté et discuta avec les Juifs. Relâché ensuite par Néron, il prêcha l’Évangile en l’Occident. L’an 14 de Néron, il fut décapité la même année et le même jour’ où saint Pierre fut crucifié. »

La sagesse et la piété de saint Paul étaient renommées et suscitaient l’admiration universelle.

Il se fit beaucoup d’amis parmi l’entourage de l’empereur et les convertit.

Quelques-uns de ses écrits furent récités devant l’empereur. Ils reçurent des éloges unanimes. Le Sénat lui-même avait beaucoup d’estime pour lui.

Un soir où saint Paul, installé sur une terrasse, prêchait, un jeune homme nommé Patrocle, échanson favori de Néron, monta à une fenêtre pour ne pas être gêné par la foule et mieux entendre l’Apôtre. S’y étant légèrement endormi, il tomba et se tua. Néron à cette nouvelle eut beaucoup de chagrin. Il nomma quelqu’un pour le remplacer. Mais Paul, qui en fut instruit par révélation, demanda aux assistants de lui rapporter le cadavre de Patrocle, ami de l’Empereur. Paul le ressuscita et l’envoya à César avec ses compagnons.

Néron se lamentait de la perte de son favori quand on lui annonça que Patrocle vivant était devant la porte du Palais. Néron apprenant que celui qu’il avait su mort était en vie, fut effrayé et refusa de le recevoir. Enfin, cédant aux sollicitations de ses amis, il lui permit d’entrer et lui dit : « Patrocle ; tu vis ? »
Patrocle répondit : « César ; je vis. »
Néron dit « Qui t’a rendu la vie ? »
Patrocle reprit : « C’est Jésus-Christ, le roi de tous les siècles. »
Néron devint furieux et dit : « Régnera-t-il dans les siècles et détruira-t-il tous les empires du monde ? »
Patrocle lui répliqua : « Oui, César. »
Néron lui donna un soufflet en disant : « Es-tu au service de ce roi ? »
Patrocle répondit : « Oui, je suis à son service, parce qu’il m’a ressuscité d’entre les morts. »
Alors cinq des officiers de l’empereur qui l’accompagnaient constamment lui dirent : « Empereur, pourquoi frapper ce jeune homme plein de prudence et qui répond la vérité ? Nous aussi, nous sommes au service de ce roi invincible. »

Entendant cela, Néron les fit mettre en prison, dans l’intention de les soumettre à la torture. Il fit rechercher tous les chrétiens, et il les soumit aux plus affreux supplices sans les avoir précédemment interrogés. Paul fut conduit, chargé de chaînes, avec les autres, devant Néron qui lui dit : « Ô homme, le serviteur du grand roi, mais seulement mon prisonnier, pourquoi m’enlèves-tu mes soldats et les prends-tu pour toi ? »
Paul répondit : « Ce n’est pas seulement dans le coin de la terre où tu vis que j’ai levé des soldats pour mon maître, mais dans l’univers entier. Il ne repousse personne et il comble de biens ceux qui viennent le servir. Toi, si tu veux lui être soumis, tu seras sauvé. Sa puissance est si grande qu’il viendra un jour juger tous les hommes et qu’il détruira le monde par le feu. »

En entendant cela, Néron fut courroucé. Il ordonna de brûler tous les chrétiens. Il fit couper la tête de Paul, qui était citoyen romain, comme coupable de lèse-majesté. Une telle multitude de chrétiens fut mise à mort que le peuple romain se souleva et entra de force dans le palais en criant : « Arrête, César, suspends le carnage et l’exécution de tes ordres. Ceux que tu fais périr sont nos concitoyens. Ce sont les soutiens de l’Empire romain. »

L’empereur, effrayé, rendit un édit portant que nul chrétien ne serait touché jusqu’à ce qu’il l’eût jugé en personne et avec soin. C’est pourquoi Paul fut ramené et présenté de nouveau à Néron. Il ne l’eut pas plutôt vu qu’il s’écria avec violence : « Emmenez ce malfaiteur, décapitez cet imposteur. Ne laissez pas vivre ce calomniateur. Défaites-vous de cet homme qui égare les intelligences. Ôtez de dessus la terre ce séducteur des esprits. »
Paul lui dit : « Néron, je souffrirai l’espace d’un instant, mais je vivrai éternellement avec Jésus-Christ. »
Néron dit : « Tranchez-lui la tête afin qu’il apprenne que je suis plus puissant que son roi, moi qui l’ai vaincu. Nous verrons s’il pourra échapper à la mort. »
Saint Paul reprit : « Pour que tu saches qu’après la mort de mon corps, je vivrais éternellement, quand ma tête aura été coupée : je t’apparaîtrai vivant, et tu reconnaîtras alors que Jésus-Christ est le Dieu de la vie et non de la mort. »

Ayant ainsi parlé, il fut mené au lieu du supplice. Pendant le trajet, trois soldats qui le conduisaient lui dirent : « Dis-nous, Paul, quel est celui que tu appelles votre roi, que vous aimez au point de préférer mourir pour lui plutôt que de vivre. Quelle récompense recevrez-vous de tout cela ? »

Paul leur parla alors du royaume de Dieu et des peines de l’enfer. Il les convertit à la foi. Ils le prièrent d’aller en liberté où il voudrait, mais il leur dit : « À Dieu ne plaise, mes frères, que je prenne la fuite. Je ne suis pas un transfuge, mais un véritable soldat de Jésus Christ. Je sais que cette vie qui passe me conduira à une vie éternelle. Tout à l’heure, quand j’aurai été décapité, des hommes fidèles enlèveront mon corps. Quant à vous, remarquez bien l’endroit. Venez-y demain matin. Vous trouverez auprès de mon sépulcre deux hommes en prières, ce sera Tite et Luc. Quand vous leur aurez dit pour quel motif je vous ai adressés à eux, ils vous baptiseront et vous feront participants et héritiers du royaume du ciel. »

Il parlait encore quand Néron envoya deux soldats pour voir si l’apôtre avait été mis à mort. Comme Paul voulait les convertir, ils dirent : « Lorsque tu seras mort et ressuscité, alors nous croirons ce que tu dis. Pour le moment, viens vite et reçois ce que tu as mérité. »

Amené à la porte d’Ostie, lieu du supplice, il rencontra une, dame nommée Plantille ou Lémobie, d’après saint Denys (elle avait peut-être deux noms). Cette dame se mit à pleurer et à se recommander aux prières de Paul qui lui dit : « Va, Plantille, fille du salut éternel, porte-moi le voile dont tu te couvres la tête, je m’en banderai les yeux et ensuite je te le rendrais. »
Comme elle le lui donnait, les bourreaux se moquaient d’elle en disant : « Qu’as-tu besoin de donner à cet imposteur et à ce magicien un voile si précieux que tu perdras ? » Étant arrivé au lieu de l’exécution, Paul se tourna vers l’Orient et pria très longtemps dans sa langue maternelle, les mains étendues vers le ciel. En versant des larmes, il rendit grâces. Ensuite, ayant dit adieu aux frères, il se banda les yeux avec le voile de Plantille. Puis ayant fléchi les deux genoux en terre, il présenta le cou et fut ainsi décollé. Au moment où sa tête fut détachée du corps, il prononça distinctement en hébreu : « Jésus-Christ » ; nom qui avait été d’une grande douceur pour lui dans sa vie et qu’il avait répété si souvent.

On dit en effet que, dans ses épîtres, il répéta Christ, ou Jésus, ou l’un et l’autre ensemble cinq cents fois. Du lait jaillit du corps mutilé jusque sur les habits d’un soldat. Ensuite, le sang coula : une lumière immense brilla dans l’air et une odeur des plus suaves émana de son corps.

Saint Denys dans son épître à Timothée s’exprime ainsi sur la mort de saint Paul : « À cette heure pleine de tristesse, mon frère chéri, quand le bourreau dit à saint Paul : “Prépare ton cou”, alors le bienheureux apôtre leva les yeux au ciel, se munit le front et la poitrine du signe de la croix et dit : “Mon Seigneur Jésus Christ, je remets mon esprit entre vos mains.” Alors sans tristesse et sans contrainte, il présenta le cou et reçut la couronne. »

Au moment où le bourreau frappait et tranchait la tête de Paul, ce bienheureux, en recevant le coup, détacha le voile, et reçut son propre sang dans ce voile, le lia, le plia et le rendit à cette femme.

Et quand le bourreau fut revenu, Lémobie lui dit : « Où as-tu laissé mon maître Paul ? »
Le soldat répondit : « Il est étendu là-bas avec son compagnon, dans la vallée du Pugilat, hors de la ville et sa figure est couverte de ton voile. »
Or, Lémobie répondit : « Voici que Pierre et Paul viennent d’entrer à l’instant, revêtus d’habits éclatants, portant sur la tête des couronnes brillantes et rayonnantes de lumière. Ils m’ont rapporté un voile tout plein de sang. »

Alors elle leur montra le voile tout ensanglanté. À cause de ce miracle, beaucoup crurent en Jésus-Christ et se firent chrétiens. Néron, ayant appris ce qui était arrivé, eut très peur et s’entretint de tout cela avec les philosophes et avec ses favoris. Pendant la conversation, les portes étant fermées, Paul vint et, debout devant César, il lui dit : « César, voici Paul, le soldat du roi éternel et invincible. Crois au moins maintenant que je ne suis pas mort, mais que je vis et toi, misérable, tu mourras d’une mort éternelle, parce que tu tues injustement les saints de Dieu. »
Ayant ainsi parlé, il disparut. Alors Néron devint comme fou tant il avait été effrayé. Il ne savait plus ce qu’il faisait. Par le conseil de ses amis, il délivra Patrocle et Barnabé avec les autres chrétiens. Il leur permit d’aller librement où ils voudraient. Quant aux soldats qui avaient conduit Paul au supplice, savoir Longin, chef des soldats, et Acceste, ils vinrent le matin au tombeau de saint Paul et ils y virent deux hommes, Tite et Luc en prières et Paul debout au milieu d’eux. Tite et Luc, en voyant les soldats, furent effrayés et prirent la fuite, alors Paul disparut.

Mais Longin et Acceste cherchèrent à les rejoindre en leur criant : « Non, ce n’est pas vous que nous poursuivons, comme vous pouvez le croire. Nous voulons recevoir le baptême de vos mains, comme nous l’a dit Paul que nous venons de voir prier avec vous. »
À ces mots, Tite et Luc revinrent et les baptisèrent avec joie.

La tête de Paul fut jetée dans une vallée. Comme il y en avait beaucoup qui avaient été tués et qu’on avait jetés au même endroit, on ne put la retrouver.

On lit dans la même épître de saint Denys, qu’un jour où l’on curait une fosse, on jeta la tête de saint Paul avec les autres débris. Un berger la prit avec sa houlette et la posa dans sa bergerie. Pendant trois nuits consécutives, son maître et lui virent une lumière ineffable sur cette tête. L’évêque et les fidèles ayant appris cela, ils dirent : « Vraiment, c’est la tête de Paul. » Ils vinrent donc chercher cette tête. Ils la posèrent sur une table en or. Ensuite, ils voulurent la replacer sur le corps de l’apôtre. L’évêque dit : « Nous savons que beaucoup de fidèles ont été mis à mort et que leurs têtes sont dispersées. Nous ne pouvons pas assurer que celle-ci soit celle qu’il faille poser sur le corps de Paul. Mettons-la au pied du corps et prions le Seigneur tout-puissant de faire que si cette tête est celle de Paul, le corps se retourne et se joigne à la tête. »

Cet avis plut à tous. La tête ayant été déposée au pied du corps de saint Paul, le peuple étant en oraison, le corps se retourna de lui-même et vint se rejoindre à la tête. Alors tous bénirent Dieu, et reconnurent que c’était vraiment la tête de saint Paul.

Propos de saint Grégoire de Tours

Saint Grégoire de Tours, qui vécut du temps de Justin le jeune, rapporte qu’un homme désespéré préparait un lacet pour se pendre, sans pourtant cesser d’invoquer saint Paul, en disant : « Saint Paul, venez à mon secours. »
Alors lui apparut un homme avec une figure hideuse qui l’encourageait en disant : « Continue, homme de bien. Qu’attends-tu ? Persiste dans ton projet. »
Mais il préparait toujours son lacet en disant : « Saint Paul, aidez-moi. »
Quand le lacet fut achevé, un autre homme apparut. Il dit à celui qui conseillait ce malheureux : « Fuis, misérable, car il a appelé saint Paul et le voilà qui arrive. »
Alors l’homme à l’aspect hideux disparut. Le malheureux rentrant en lui-même jeta son lacet et fit pénitence.

Saint Grégoire dit que les chaînes de saint Paul font beaucoup de miracles. Quand des personnes demandent un peu de limaille, un prêtre en détache avec une lime quelques parcelles rapidement. L’état de l’endroit d’où ont été détachées les reliques reste inchangé. Il arrive que d’autres personnes qui en demandent ne puissent pas en obtenir, car la lime est utilisée sans effet.

Dans la même épître citée plus haut, saint Denys pleure la mort de saint Paul, son maître avec des expressions touchantes :
« Qui donnera de l’eau à mes yeux et à mes paupières une fontaine de larmes afin de pleurer, le jour et la nuit, la lumière des Églises qui vient de s’éteindre ?
Qui est-ce qui ne pleurera et ne gémira pas ?
Quel est celui qui ne prendra pas des habits de deuil et ne restera pas muet d’effroi ?

Voici en effet que Pierre, le fondement des Églises, la gloire des saints apôtres, s’est retiré. Il nous a laissés orphelins.
Paul aussi, cet ami des païens, le consolateur des pauvres, nous a fait défaut. Il a disparu pour toujours celui qui fut le père des pères, le docteur des docteurs, le pasteur des pasteurs.
Cet abîme de sagesse, cette trompette retentissante, ce prédicateur infatigable de la vérité, en un mot, c’est de Paul le plus illustre des apôtres que je parle.
Cet ange de la terre, cet homme du ciel, cette image de la divinité, cet esprit divin nous a délaissés. Nous sommes tous misérables et indignes au milieu de ce monde méprisable et plein de malice.
Il est avec Dieu son maître et son ami hélas ! Mon frère Timothée, le chéri de mon cœur, où est ton père qui est ton maître et ton ami ?

Il ne t’adressera donc plus de saluts ?
Voilà que tu es devenu orphelin, et que tu es resté seul.
Il ne t’écrira plus de sa très sainte main ces douces paroles : “Très cher fils ; viens, mon frère Timothée.”
Que s’est-il passé ici de triste, d’affreux, de pernicieux pour que nous soyons devenus orphelins ?

Tu ne recevras plus de ses lettres où tu pouvais lire ces paroles : “Paul, petit serviteur de Jésus Christ”. Il n’écrira plus désormais de toi aux cités “Recevez mon fils chéri. :”. Ferme ; mon frère, les livres des prophètes. Mets-y un sceau, parce que nous n’avons plus personne pour nous en expliquer les paraboles, les comparaisons et le texte.

Le prophète David pleurait son fils en s’écriant : “Malheur à moi, mon fils ; malheur à moi !”
Et moi je m’écrie : malheur à moi, mon maître, oui, malheur à moi !
Depuis lors a complètement cessé cette affluence de tes disciples qui venaient à Rome et qui demandaient à nous voir.
Personne ne dira plus : allons trouver nos docteurs et interrogeons-les sur la direction à imprimer aux Églises qui nous sont confiées. Ils nous expliqueront les paroles de notre seigneur Jésus-Christ et celles des prophètes.
Malheur, malheur à ces enfants, mon frère, parce qu’ils sont privés de leurs pères spirituels, parce que le troupeau est abandonné !
Malheur à nous aussi, frère, parce que nous sommes privés de nos maîtres spirituels qui possédaient l’intelligence et la science de l’ancienne et de la nouvelle loi fondues dans leurs épîtres !

Où sont les courses de Paul et les vestiges de ses saints pieds ?
Où est cette bouche éloquente, cette langue qui donnait des avis si prudents, cet esprit toujours en paix avec son Dieu ?
Qui est-ce qui ne pleurera pas et ne fera pas retentir l’air de cris ?
Car ceux qui ont mérité de recevoir de Dieu gloire et honneur sont traînés à la mort comme des malfaiteurs.

Malheur à moi qui ai vu ce corps saint tout couvert d’un sang innocent !
Ah ! quel malheur pour moi ! mon père, mon maître et mon docteur, vous ne méritiez pas de mourir ainsi.
Et maintenant donc, où irai-je vous chercher, vous la gloire des chrétiens, l’honneur des fidèles ?

Qui a fait taire votre voix, vous qui faisiez entendre dans les églises des paroles qui avaient la douceur de la flûte et la sonorité d’un instrument à dix cordes ?
Voilà que vous êtes auprès du Seigneur votre Dieu que vous avez désiré de posséder et après lequel vous avez soupiré de tout votre cœur.
Jérusalem et Rome, vous vous êtes associées et unies pour faire le mal. Jérusalem a crucifié notre seigneur Jésus Christ. Rome a tué ses apôtres.
Cependant, Jérusalem a obéi à celui qu’elle avait crucifié, comme Rome ; a établi une solennité pour glorifier celui qu’elle a tué.
Et maintenant, mon frère Timothée, ceux que vous aimiez et que vous regrettiez de tout cœur, je parle du roi Saul, et de Jonathas, ils n’ont été séparés ni dans la vie ni dans la mort et moi je ne fus séparé de mon seigneur et maître que quand des hommes aussi méchants qu’injustes nous ont séparés.
Or, l’heure de cette séparation n’aura qu’un temps. Son urne connaît ses amis, sans que ceux-ci lui parlent, et bien qu’ils soient loin d’elle.
Mais au jour de la résurrection, ce serait un bien grand dommage d’en être séparé. »

Propos de saint Jean Chrysostome

Saint Jean Chrysostome, dans son livre de l’Éloge de saint Paul, ne tarit pas quand il parle de ce glorieux apôtre. Voici ses paroles : « Celui-là ne s’est pas trompé quand il a appelé l’âme de saint Paul un champ magnifique de vertus et un paradis spirituel. Où trouver une langue digue de le louer, lui dont l’âme possède à elle seule tous les biens qui peuvent se rencontrer dans tous les hommes, et qui réunit non seulement chacune des vertus humaines, mais, ce qui vaut mieux encore, les vertus angéliques ? Loin de nous arrêter, cette considération nous encourage à parler. C’est faire le plus grand éloge d’un héros que de reconnaître sa vertu et sa grandeur qui sont au-dessus de tout ce qu’on peut en dire. Il est glorieux pour un vainqueur d’être ainsi vaincu. Par quoi donc pouvons-nous mieux commencer ce discours qu’en disant qu’il a possédé tous les biens ? »

Propos contenu dans une version de la Légende dorée

On loue Abel à cause d’un sacrifice qu’il a offert à Dieu. Si nous montrons toutes les victimes de Paul, il l’emportera de toute la hauteur qui sépare le ciel de la terre. Puisque, chaque jour il s’immolait lui-même par un double sacrifice, celui de la mortification du cœur et celle du corps. Ce n’étaient ni des brebis ni des bœufs qu’il offrait, c’était lui-même qui s’immolait doublement.

Ce n’était pas encore assez au gré de ses désirs. Il voulut offrir l’univers en holocauste, la terre, la mer, les Grecs, les barbares, tous les pays éclairés par le soleil, qu’il parcourut avec la rapidité du vol, où il trouva des hommes, ou, pour mieux dire, des démons, qu’il éleva à la dignité des anges.

Où rencontrer une hostie comparable à celle que Paul a immolée avec le glaive de l’Esprit-Saint, et qu’il a offerte sur un autel placé au-dessus du ciel ? Abel a péri sous les coups d’un frère, Paul a été tué par ceux qu’il souhaitait arracher, à d’innombrables maux.

Voulez-vous que je vous compte tous les genres de morts de Paul, autant vaut compter les jours qu’il a vécu ? Noé se sauva dans l’arche lui et ses enfants. Saint Paul construisit une arche pour sauver d’un déluge autrement plus affreux, non pas en assemblant des pièces de bois, mais en composant ses épîtres. Il a délivré le monde en danger au milieu des flots. Or, cette arche n’est pas portée sur des vagues qui battent un seul rivage, elle va sur tout le globe.

Ses tablettes ne sont enduites ni de poix ni de bitume, elles sont imprégnées du parfum du Saint-Esprit. Il les écrivit et par elles, de ceux qui étaient, pour ainsi dire, plus insensés que les êtres sans raison, il en fait les imitateurs des anges. Il l’emporte encore sur l’arche qui reçut le corbeau et ne rendit que le corbeau, qui avait renfermé le loup sans lui faire perdre son naturel farouche. Paul prit les vautours et les milans pour en faire des colombes, pour inoculer la mansuétude de l’esprit dans des cœurs féroces.

On admire Abraham qui, par l’ordre de Dieu, abandonna sa patrie et ses parents. Comment l’égaler à Paul ? Il n’a pas seulement quitté son pays, ses parents, mais le monde lui-même, mais plus encore, le ciel, le ciel et les cieux. Il méprise tout cela afin de servir Jésus Christ, ne se réservant à la place qu’une seule chose, la charité de Jésus. Il écrit : « J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Romains, VIII, 38-39)

Abraham s’expose au danger pour délivrer de ses ennemis le fils de son frère. Paul, afin d’arracher l’univers à la puissance des démons, a affronté des périls innombrables et a mérité aux autres une pleine sécurité par la mort qu’il souffrait tous les jours. Abraham encore a voulu immoler son fils. Paul s’est immolé lui-même des milliers de fois.

Il s’en trouve qui admirent la patience d’Isaac laissant combler le puits creusé par ses mains. Mais ce n’étaient pas des puits que Paul laissait couvrir de pierres, c’était son corps à lui, et ceux qui l’écrasaient. Il cherchait à les élever jusqu’au Ciel. Et plus cette fontaine était comblée, plus haut elle jaillissait, plus elle débordait, au point de donner naissance à plusieurs fleuves.

L’Écriture parle avec admiration de la longanimité et de la patience de Jacob ; eh bien ! trouvez une âme à la trempe de diamant qui atteigne la patience de Paul. Ce n’est pas pendant sept ans, mais toute sa vie qu’il s’enchaîne à l’esclavage pour l’épouse de Jésus Christ. Ce n’est pas seulement la chaleur du jour ni le froid des nuits, ce sont mille épreuves qui l’assaillaient. Tantôt battu de verges, tantôt accablé et broyé sous une grêle de pierres, toujours il se relevait pour arracher les brebis de la gueule des démons.

Joseph est illustre par sa pureté ; mais j’aurais à craindre de tomber ici dans le ridicule en voulant louer saint Paul, lui qui se crucifiait lui-même, voyait toute la beauté du corps humain et tout ce qui paraît à nos yeux que nous regardons de la fumée et de la cendre, semblable à un mort qui reste immobile à côté d’un cadavre.

Tout le monde est effrayé de la conduite de Job. C’était en effet un merveilleux athlète. Mais Paul n’eut pas à soutenir des combats de quelques mois, son agonie dura des années. Sans être réduit à racler ses plaies avec des morceaux de vase, il sortit éclatant de la gueule du lion qui, dans la personne de Néron, s’était jeté sur lui coup sur coup. Et après des combats et des épreuves innombrables, il avait l’éclat de la pierre la mieux polie. Ce n’était pas de trois ou quatre amis, mais de tous les infidèles, de ses frères même, qu’il eut à endurer les opprobres.

Il fut conspué et maudit de tous. Il exerçait cependant largement l’hospitalité. Il était plein de sollicitude à l’égard des pauvres. Mais l’intérêt qu’il portait aux infirmes, il l’étendait aux âmes souffrantes.

La maison de Job était ouverte à tout venant. L’âme de Paul renfermait le monde. Job possédait d’immenses troupeaux de bœufs et de brebis. Il était libéral envers les indigents. Paul ne possède que son corps et il se partageait en faveur des pauvres.
Il dit : « Ces mains ont pourvu à mes besoins propres, comme aux besoins de ceux, qui étaient avec moi. »

Job rongé par les vers souffrait d’atroces douleurs. Sans compter les coups reçus par Paul, calculez à quelles angoisses l’ont réduit la faim, les chaînes et les périls qu’il a subis de la part de ses familiers, comme des étrangers, de l’univers entier. En un mot, voyez la sollicitude qui le dévorait pour toutes les Églises, le feu qui le brûlait quand il savait quelqu’un scandalisé et vous comprendrez que son âme était plus dure que la pierre, plus forte que le fer, et que le diamant.

Ce que Job souffrait dans ses membres, Paul le souffrit en son âme. Les chutes de chacun de ses frères lui causaient des chagrins plus vifs que toutes les douleurs. Aussi coulait-il de ses yeux, le jour comme la nuit, des fontaines de larmes. C’étaient les étreintes d’une femme en travail. Il s’écriait : « Mes petits enfants, je sens de nouveau pour vous les douleurs de l’enfantement. »

Moïse, pour le salut des Juifs, s’offrit à être effacé du livre de vie. Moïse donc s’offrit à mourir avec les autres, mais Paul voulait mourir pour les autres, non pas avec ceux qui devaient périr. Pour obtenir le salut d’autrui, il engageait son salut éternel. Moïse résistait à Pharaon, Paul luttait tous les jours avec le démon. Le premier combattait pour une nation, le second pour l’univers, non pas jusqu’à la sueur de son front, mais jusqu’à donner son sang.

Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, Paul au milieu du tourbillon du monde comme le précurseur au milieu du désert, n’avait pas même de sauterelles ni de miel. Il se contentait de mets moins recherchés encore. Sa nourriture était le feu de la prédication.

Toutefois devant Néron, Jean fit preuve d’un grand courage, mais ce ne fut pas un ni deux ni trois, mais un grand nombre de tyrans aussi haut placés et plus cruels encore que Paul eut à reprendre.

Il me reste à comparer Paul avec les anges. Sa part n’est pas moins brillante, puisqu’il n’eut souci que d’obéir à Dieu. Quand David s’écriait transporté d’admiration : « Bénissez le Seigneur, vous tous qui êtes ses anges, qui êtes puissants et remplis de force pour faire ce qu’il vous dit, pour obéir à sa voix et à ses ordres. »
Il dit ailleurs : « Mon Dieu, vous rendez vos anges légers comme le vent et vos ministres actifs comme des flammes ardentes. »
Mais nous pouvons trouver ces qualités dans Paul. Semblable à la flamme et au vent il a parcouru l’univers et, dans sa course, il l’a purifié. Toutefois, il n’était pas encore participant de la béatitude céleste. Et c’est là le prodige qu’il ait tant fait n’étant encore revêtu que d’une chair mortelle.

Quel sujet de condamnation pour nous de n’avoir point à cœur d’imiter les qualités réunies dans un seul homme ! Sans avoir reçu ni une autre nature ni une autre âme que nous, sans avoir habité un autre monde, mais placé sur la même terre et dans les mêmes régions, élevé sous l’empire des mêmes lois et des mêmes usages, il a surpassé tous les hommes de son siècle et ceux du siècle à venir.

Ce que je trouve d’admirable en lui, c’est que non seulement dans l’ardeur de son zèle, il ne sentait pas les peines qu’il essuyait pour la vertu, mais qu’il embrassa ce noble parti sans attendre aucune récompense. L’attrait d’une rétribution ne nous engage point à entrer dans la lice où saint Paul courait avec empressement, sans qu’aucun prix ne vînt animer son courage et son amour. Il acquérait chaque jour plus de force, i1 montrait une ardeur toujours nouvelle au milieu des périls. Menacé de la mort, il invitait les peuples à partager la joie dont il était pénétré. Il leur disait : « Réjouissez-vous et félicitez-moi. » Il courait au-devant des affronts et des outrages que lui attirait la prédication, beaucoup plus que nous ne cherchons la gloire et les honneurs. Il désirait la mort beaucoup plus que nous n’aimons la vie. Il chérissait beaucoup plus la pauvreté que nous n’ambitionnons les richesses. Il embrassait les travaux et les peines avec beaucoup plus d’ardeur que nous ne désirons les voluptés et le repos après les fatigues. Il s’affligeait plus volontiers que les autres ne se réjouissent. Il priait pour ses ennemis avec plus de zèle que les autres ne s’emportent contre eux en imprécations.

La seule chose devant laquelle il reculait avec horreur, c’était d’offenser Dieu. Ce qu’il désirait surtout, c’était de lui plaire. Aucun des biens présents, je dis même aucun des biens futurs, ne lui semblait désirable : ne me parlez pas de villes, de nations, d’armées, de provinces, de richesses, de puissants. Tout cela n’était à ses yeux que des toiles d’araignée. Mais considérez le bonheur qui nous est promis dans le ciel, et alors, vous verrez tout l’excès de son amour pour Jésus. La dignité des anges et des archanges ainsi que toute la splendeur céleste n’étaient rien pour lui en comparaison de la douceur de cet amour. L’amour de Jésus était pour lui plus que tout le reste. Avec cet amour, il se regardait comme le plus heureux de tous les êtres. Il n’aurait pas voulu, sans cet amour, habiter au milieu des Trônes et des Dominations, il aurait mieux aimé, avec la charité de Jésus, être le dernier de la nature, se voir condamné aux plus grandes peines que, sans elle, en être le premier et obtenir les plus magnifiques récompenses. Être privé de cette charité était pour lui le seul supplice, le seul tourment, le seul enfer, le comble de tous les maux. Posséder cette même charité était pour lui la seule jouissance. C’était la vie, le monde, les anges, les choses présentes et futures, c’était le royaume, c’étaient les promesses, c’était le comble de tous les biens. Tous les objets visibles, il les méprisait comme une herbe desséchée. Les tyrans, les peuples furieux ne lui paraissaient que des insectes importuns. La mort, les supplices, tous les tourments imaginables ne lui semblaient que des jeux d’enfants, à moins qu’il ne fallût les souffrir pour l’amour de Jésus Christ. Alors il les embrassait avec joie, il se glorifiait de ses chaînes plus que Néron du diadème qui décorait son front. Sa prison, c’était pour lui le ciel même. Les coups de fouet et les blessures lui semblaient préférables à la couronne de l’athlète vainqueur. Il ne chérissait pas moins la récompense que le travail qu’il regardait comme une récompense. Aussi l’appelait-il, une grâce, puisque ce qui cause en nous de la tristesse lui procurait une satisfaction abondante.

Il gémissait sous le poids d’une peine continuelle, et il disait : « Qui est scandalisé, sans que je brille ? » À moins qu’on ne dise que cette peine était assaisonnée d’un certain plaisir. Ainsi, blessée du coup qui a tué son fils, une mère éprouve quelques consolations à se trouver seule avec sa douleur, tandis que son cœur est plus oppressé lorsqu’elle ne peut donner un libre cours à ses larmes. De même, saint Paul recevait un soulagement de pleurer nuit et jour. Car jamais personne ne se plaignit de ses propres maux aussi vivement que cet apôtre déplorait les maux d’autrui. Quelle était, croyez-vous, sa douleur en voyant que c’en était fait des Juifs, lui qui demandait d’être déchu de la gloire céleste, pourvu qu’ils fussent sauvés ?

À quoi donc pourrait-on le comparer ? À quelle nature de fer ? À quelle nature de diamant ? De quoi dirons-nous qu’était composée son âme ? De diamant ou d’or ? Elle était plus ferme que le diamant le plus dur, plus précieuse que l’or et que les pierreries du plus grand prix. À quoi donc pourra-t-on comparer cette âme ? À rien de ce qui existe. Il y aurait peut-être une comparaison possible, si, par une heureuse alliance, on donnait à l’or la force du diamant ou au diamant l’éclat de l’or. Mais pourquoi le comparer à l’or et au diamant ? Mettez le monde entier dans la balance, et vous verrez que l’âme de Paul l’emportera. Le monde et tout ce qu’il y a dans le monde ne valent pas Paul. Mais si le monde ne le vaut pas, qu’est-ce qui le vaudra ? Peut-être le Ciel. Mais le Ciel lui-même n’est rien en comparaison de Paul. Car s’il a préféré lui-même l’amour de Dieu au ciel et à tout ce qu’il renferme, comment le Seigneur, dont la bonté surpasse autant celle de Paul que la bonté même surpasse la malice, ne le préférerait-il pas à tous les cieux ? Dieu, oui, Dieu nous aime bien plus que nous ne l’aimons, et son amour surpasse le nôtre plus qu’il n’est possible de l’exprimer. Il l’a ravi dans le paradis, jusqu’au troisième ciel. Et cette faveur lui était due, puisqu’il marchait sur la terre comme s’il eût conversé avec les anges, puisque, enchaîné à un corps mortel, il imitait leur pureté ; puisque, sujet à mille besoins et à mille faiblesses, il s’efforçait de ne passe montrer inférieur aux puissances célestes.

Il a parcouru toute la terre comme s’il eût eu des ailes. Il était au-dessus des travaux et des périls, comme si déjà il eût pris possession du Ciel. Il était éveillé et attentif comme s’il n’eût point eu de corps. Il méprisait les choses de la terre comme s’il eût habité au milieu des puissances incorporelles. Des nations diverses ont été souvent confiées au soin des anges, mais aucun d’eux n’a dirigé la nation remise à sa garde comme Paul a dirigé toute la terre. Comme un père qui voyant son enfant égaré par la frénésie serait d’autant plus touché de son état et verserait d’autant plus de larmes que, dans les violences de ses transports, il lui épargnerait moins les outrages et les coups. Ainsi le grand apôtre prodiguait à ceux qui le maltraitaient tous les soins d’une piété ardente. Souvent, il gémissait sur le sort de ceux qui l’avaient battu de verges cinq fois, qui étaient altérés de son sang. Il s’affligeait et priait pour eux en disant : « Il est vrai, mes frères, que je sens dans mon cœur une grande affection pour le salut d’Israël et que je le demande à Dieu par mes prières. » En voyant leur réprobation, il était pénétré d’une douleur excessive. Et comme le fer jeté dans le feu devient feu tout entier, de même Paul, enflammé du feu de la charité, était devenu parfaitement charitable. Comme s’il eût été le père commun de toute la terre, il imita, ou plutôt il surpassa tous les pères, quels qu’ils fussent, pour les soins temporels et spirituels. Car c’était chacun des hommes qu’il souhaitait présenter à Dieu comme si lui seul eût engendré le monde entier, de telle sorte qu’il avait hâte d’en introduire tous les habitants dans le royaume de Dieu, se donnant corps et âme pour eux qu’il chérissait. Cet homme ignoble, cet artisan qui préparait des peaux acquit un tel courage qu’en trente ans à peine. Il soumit au joug de la vérité les Romains et les Perses, les Parthes avec les Mèdes, les Indiens et les Scythes, les Éthiopiens et les Sarmates, les Sarrasins, enfin toutes les races humaines. Semblable à du feu jeté dans la paille et le foin, il dévorait toutes les œuvres des démons. Au son de sa voix, tout disparaissait comme dans le plus violent incendie, tout cédait, et culte des idoles, et menaces des tyrans, et embûches des faux frères. Comme au premier rayon du soleil les ténèbres fuient, les adultères et les voleurs disparaissent, les homicides se cachent dans les antres, le grand jour brille, tout est éclairé de l’éclat de sa présence, de même et mieux encore, partout où Paul sème la bonne nouvelle, l’erreur était chassée, la vérité renaissait, les adultères et autres abominations disparaissaient, ainsi que la paille jetée au feu. Brillante comme la flamme, la vérité s’élevait resplendissante jusqu’aux cieux. Elle semblait soulevée par ceux qui semblaient l’étouffer. Les périls et les violences ne savent en arrêter la marche. Telle est l’erreur qui, si elle ne rencontre pas d’obstacles, s’use ou disparaît insensiblement, telle au contraire est la vérité qui, sous les attaques de nombreux adversaires, renaît et s’étend. Or, puisque Dieu nous a tellement ennoblis que par nos efforts nous pouvons parvenir à devenir semblables à lui afin de nous ôter le prétexte que pourrait suggérer notre faiblesse, nous avons en commun avec lui le corps, l’âme, les aliments, le même créateur, et de plus son Dieu c’est notre Dieu.

Voulez-vous connaître les dons que le Seigneur lui a départis ? Ses vêtements étaient la terreur des démons. Un prodige plus merveilleux encore, c’est que quand il bravait les périls, on ne pouvait le taxer de témérité ni lui reprocher de la timidité lorsqu’ils surgissaient. C’était pour avoir le temps d’instruire qu’il aimait la vie présente, tandis qu’elle ne restait qu’un sujet de mépris dès lors que par la sagesse qui l’éclairait, il entrevoyait combien le monde est vil. Enfin, voyez-vous Paul s’échapper au péril ? Gardez-vous de l’en admirer moins que quand il a le plaisir de s’y exposer. Cette conduite annonce autant de fermeté d’une part, que de sagesse de l’autre. L’entendez-vous parler de lui avec satisfaction ? Vous pouvez l’admirer autant que lorsque vous le voyez se mépriser. Ici, c’est de la grandeur d’âme, là de l’humilité. C’était un plus grand mérite à lui de parler de soi que de taire ses louanges. Car s’il ne les avait dites, il eût été plus coupable que ceux qui se vantent à tout propos. En effet s’il n’eût pas été glorifié, il aurait entraîné dans la ruine ceux qui lui avaient été confiés, tandis qu’en s’humiliant, il les élevait. Paul a mérité plus en se glorifiant qu’un autre qui aurait caché ce qui le distingue : celui-ci, par l’humilité qui lui fait cacher ses mérites, gagne moins que celui-là en les manifestant. C’est un grand défaut de se vanter, c’est le fait d’un extravagant de vouloir accaparer les louanges dès lors qu’il n’y a aucune nécessité. Il est évident que Dieu n’est pas là et que c’est folie. Quand bien même on l’aurait gagnée à la sueur de son front, on perd sa récompense. S’élever au-dessus des autres dans ses propos, se vanter avec ostentation n’appartient qu’à un arrogant. Mais, rapporter ce qui est essentiel est une nécessité, c’est le propre d’un homme qui aime le bien, qui cherche à se rendre utile. Telle fut la conduite de Paul qui, pris pour un fourbe, se crut obligé de donner des preuves manifestes de sa dignité. Toutefois, il s’abstient de dévoiler bien des choses et de celles qui étaient de nature à l’honorer le plus.

Il écrit : « J’en viendrai pourtant aux visions et aux révélations reçues du Seigneur » (II Corinthiens, XII, 1),
et il ajoute : « Mais je me retiens. »
Pas un prophète, pas un apôtre n’eut aussi souvent que Paul des entretiens avec Dieu. C’est ce qui le fait s’humilier davantage. Il parut redouter les coups afin de vous apprendre qu’il y avait en lui deux éléments. Sa volonté ne l’élevait pas seulement au-dessus du commun des hommes, mais elle en faisait un ange. Redouter les coups n’est pas un crime, c’est de commettre une indignité par la peur qu’ils inspirent. Dès lors qu’en les craignant, il sort victorieux de la lutte, il est autrement plus admirable que celui que la peur n’atteint pas. Comme ce n’est pas une faute de se plaindre, mais de dire ou de faire par faiblesse ce qui déplaît à Dieu. Nous voyons par là ce que fut Paul. Avec les infirmités de la nature, il s’éleva au-dessus de la nature, et s’il redouta la mort, il ne refusa pas de la subir. Être l’esclave des infirmités, c’est un crime, mais ce n’est pas d’être revêtu d’une nature qui y est sujette. C’est un titre de gloire pour lui d’avoir, par force de volonté, surmonté la faiblesse de la nature. Ainsi il se laissa enlever Paul surnommé Marc. Ce fut ce qui l’anima dans tout le cours de sa prédication, car ce ministère ne s’exerce pas avec mollesse et irrésolution, mais bien avec une force et un courage constant. Qui s’engage dans cette fonction sublime doit être disposé à s’offrir mille fois à la mort et aux dangers. S’il n’est pas animé par cette pensée, son exemple perdra un grand nombre de fidèles. Mieux vaudrait qu’il s’abstînt et qu’il s’occupât uniquement de soi-même. Un pilote, un gladiateur, un homme qui combat les bêtes féroces, personne enfin n’est obligé d’avoir le cœur disposé au danger et à la mort, comme celui qui s’est chargé d’annoncer la parole de Dieu. Celui-ci a à courir de bien plus grands périls. Il doit combattre des adversaires plus violents et d’une tout autre condition. C’est avoir le ciel pour récompense ou l’enfer pour son supplice. S’il surgit une contestation, ne regardez pas cela comme un crime, il n’y a faute que quand la querelle n’a ni prétexte ni motif juste. Il faut y voir l’action de la Providence qui veut réveiller de l’engourdissement et de l’inertie les âmes endormies et découragées. Comme l’épée a son tranchant, l’âme aussi a reçu le tranchant de la colère dont elle doit user au besoin. La douceur est bonne en tout temps. Cependant, il faut l’employer selon les circonstances, autrement elle devient un défaut. Aussi Paul l’a mise en pratique et dans sa colère il valait mieux que ceux dont le langage ne respirait pas la modestie. Le merveilleux chez lui était que, chargé de chaînes, couvert de coups et de blessures, il fut plus brillant que ceux qui sont ornés de l’éclat de la pourpre et du diadème. Alors qu’il était traîné chargé de chaînes à travers des mers immenses, sa joie était aussi vive que si on lui avait fait prendre possession d’un grand royaume. À peine est-il entré dans Rome qu’il cherche à en sortir pour parcourir l’Espagne. Il ne prend pas même un jour de repos. Le feu est moins actif que son zèle à évangéliser. Les périls, il les brave ; les moqueries, il n’en rougit pas.

Ce qui met le comble à mon admiration, c’est qu’avec une pareille audace, quand il était constamment armé pour le combat, lorsqu’il ne respirait qu’une ardeur toute guerrière, il restait calme et prêt à tout. Il vient de sévir, ou plutôt sa colère vient d’éclater quand on lui commande d’aller à Tarse ; et il y va. On lui dit qu’il faut descendre par la muraille dans une corbeille, il se laisse faire. Pourquoi ? Pour évangéliser encore et traîner à sa suite vers Jésus-Christ une multitude de croyants. Il ne redoutait qu’un malheur, c’était de quitter la terre et de ne pas avoir sauvé le plus grand nombre. Quand des soldats voient leur général couvert de blessures et ruisselant de sang, sans que toutefois il ne cesse de tenir tête à l’ennemi, mais que toujours il brandit sa lance, jonche le sol des cadavres qui sont tombés sous ses coups, et qu’il ne tient pas compte de sa propre douleur, un pareil sang-froid les électrise. Il en advint ainsi pour Paul. Il inspirait confiance quand, chargé de chaînes, il prêchait dans sa prison et quand il convertissait ceux qui le frappaient. Il veut le faire entendre alors qu’il dit que plusieurs de ses frères en notre Seigneur, se rassurant par cet heureux succès de ses liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer la parole de Dieu sans aucune crainte. Il en concevait lui-même une joie plus ferme, et son courage contre ses adversaires en augmentait d’autant. Comme du feu tombant sur une grande sorte de matières se nourrit et s’étend, de même le langage de Paul attire tous ceux qui l’écoutent. Ses adversaires deviennent la pâture de ce feu, puisque, par eux, la flamme de l’Évangile augmentait de plus en plus (saint Jean Chrysostome).


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